Qui se souvient de la proposition de loi n°1164 déposée le 14 juin 1979 à l'Assemblée Nationale par le Dr. Henry BERGER, alors Président de la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales ?
A coup sûr, personne ! 
Proposition BERGER

Et pourtant, cette proposition de loi tendait déjà à la réforme de la Sécurité Sociale et à la maîtrise des dépenses de santé, sujets toujours d'actualité.

Dans une longue introduction de 40 pages, les 9 députés signataires analysent objectivement les mécanismes du système de protection sociale et l'incapacité du maintien d'un équilibre financier en période de crise économique. Le rapport sur les options du VIII ème Plan "prévoit même que dans l'hypothèse la plus favorable, le déficit de la Sécurité Sociale représentera 6 points du P.I.B. en 1985, soit une somme équivalent au doublement de l'impôt sur le revenu !"

Rappelons que cette proposition date de 1979 et qu'elle prévoyait le pire au terme de 7 ans...

Les principales causes 

Les auteurs de la proposition de loi résument les causes de cette dérive de la façon suivante :

  • les habitudes acquises avant 1974
  • le comportement inflationniste des assurés et du corps médical qui ne connaissent aucune contrainte de coût
  • les progrès des techniques médicales
  • le vieillissement de la population
  • la médicalisation des problèmes sociaux
  • les droits acquis

La politique d'ajustements financiers suivie depuis 1970/1975 doit devenir le reflet des grands choix sociaux sur lesquels la population doit se prononcer.

Les principales réformes

Elles reposent toutes sur une approche pragmatique et d'auto-régulation du système sans nuire à l'économie ni porter atteinte à la protection sociale. Elles supposent un consensus des quatre principaux acteurs, les entrepreneurs, les assurés, le corps médical, les gestionnaires de la Sécurité Sociale.

1°) L'équilibre financier de la Sécurité Sociale requiert l'instauration d'un contrôle parlementaire, avec un objectif de consommation, réforme reprise et réalisée par le plan JUPPE 17 ans plus tard !.

2°) Le mode de financement de la Sécurité Sociale implique un rééquilibrage et une diversification

3°) La progression des dépenses de santé commande la prévention des grands fléaux sociaux (tabac, alcool, drogues), la maîtrise de l'hospitalisation (adaptation des structures hospitalières et médico-sociales aux besoins réels, respect de la carte sanitaire, réforme de la tarification hospitalière), le renforcement du contrôle médical, l'institution du carnet de soins, la départementalisation, l'évaluation médicale et économique des soins, la F.M.C. etc.

4°) la rationalisation de la gestion administrative et financière de la Sécurité sociale, comportant

  • l'apurement des dettes de certains régimes spéciaux,
  • sanctions des retards de paiement des cotisations appliquées également dans le secteur privé comme dans le secteur public
  • séparation des comptes des 3 branches, maladie, famille et vieillesse
  • améliorer le fonctionnement et la fiabilité de l'informatique des caisses (2.000 informaticiens programment 120 ordinateurs de 38 modèles incompatibles entre eux, fournis par 8 constructeurs !)
  • rationalisation des régimes complémentaires de retraite et de prévoyance.

Cette proposition de loi n'est jamais venue en discussion au Parlement. On retrouve un certain nombre de points qui ont été concrétisés par la loi EVIN du 31 juillet 1991 puis dans les Ordonnances JUPPE du 24 avril 1996, en particulier le rôle du Parlement pour fixer l'ONDAM.

Rappelons qu'entre la proposition de loi BERGER de 1979 et les ordonnances JUPPE de 1996, 17 ans se sont écoulés.

On ne peut que regretter le temps perdu dans l'élaboration et l'application de réformes nécessaires, retardées par les changements politiques et la succession des équipes techniques chargées de les mettre en place.

Quelques révélations sur l'informatique des Caisses

Je crois cependant utile de reproduire ci-après quelques informations chiffrées tirées de la page 36 de l'exposé des motifs de la proposition de loi BERGER :

"…Il est apparu (à la Commission), en recherchant les causes de ce flou statistique, que la gestion de l'informatique doit être modifiée dans les régimes de sécurité sociale.

" Ainsi, dans le régime général d'assurance maladie, les plans qui se sont succédés pour automatiser la gestion administrative, puis la gestion des prestations, se sont soldées par des échecs.

" Ces plans qui ont mis en œuvre des moyens de plus en plus considérables ne sont pas arrivés à monter en puissance.

" Ils ont abouti à la "confusion des langages" d'une tour de Babel constituée par 2000 informaticiens produisant des programmes pour 120 ordinateurs de 38 modèles incompatibles entre eux fournis par 8 constructeurs. Ce chiffre de chercheurs est à comparer par exemple à celui des chercheurs de la Société IBM qui en a 2000 pour le monde entier ce qui concerne la recherche fondamentale et environ pour 15000 pour la recherche-développement.

" De plus il a fallu embaucher du personnel intérimaire pour accomplir à la main des tâches qui auraient du être assumées par l'informatique. Mais ce gaspillage informatique inacceptable en soi n'est rien à côté des conséquences sur l'économie nationale des imprécisions de la gestion du risque maladie.

" C'est ainsi que de nombreuses informations sur l'assurance-maladie ne présentent pas la rigueur qu'on peut attendre de l'informatique. Elles proviennent notamment d'états retouchés à la main pour retrouver une certaine cohérence avec celles fournies par l'Agence comptable.

" Ces faits sont de nature à expliquer, au moins en partie, les fluctuations des prévisions de l'équilibre de l'assurance-maladie, sur lesquelles s'appuient des décisions politiques.

" Actuellement, aucun modèle sérieux permettant une simulation des décisions concernant l'équilibre financier de l'assurance-maladie n'est possible. Or, cette lacune est inacceptable car elle a un coût social, économique et politique".

En corrigeant les épreuves de ce travail, j'aimerais connaître l'état actuel (2007) de l'informatique des Caisses d'Assurance maladie.