Avec le temps, beaucoup ont oublié ou ne sont plus là pour rappeler les circonstances exactes du passage des conventions départementalesEn l'absence de convention départementale signée par l'organisation la plus représentative, chaque médecin pouvait, à titre individuel, adhérer à la Convention-type. issues du fameux décret du 12 mai 1960 à la première Convention Nationale de 1971.
Les Ordonnances de 1967 avaient donné aux trois Caisses NationalesLa Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAM TS) représentant env. 80% des assurés, la Mutualité Sociale Agricole, (MSA) et la Caisse des non-salariés non agricoles devenue par la suite la Caisse des professions libérales, les deux dernières représentant les 20% restants, parfois appelées avec une pointe de commisération les régimes frères…! leur autonomie et une certaine "centralisation de leurs pouvoirs" sous l'égide de la plus importante, la CNAM.
Deux ans plus tard, à l'initiative du Dr. Jacques MONIER, Président de la CSMF et avec le soutien du Président de la CNAM, M. Maurice DERLIN  (CGT- FO), une quinzaine de réunions (?) se déroulèrent de 1969 à 1970 à la Villa "Espéranza" de Ville d'AVRAY. Dans cet endroit neutre et discret entouré d'un parc, se rencontrèrent autour des deux protagonistes, MM. PIKETTY (CNPF), Christian PRIEUR, directeur de la CNAM, LAUR, Président de la MSA, et FERIAL, pour la Caisse des non salariés non agricoles.
Le Corps médical était représenté par le Président Jacques MONIER (CSMF) entouré des Dr. HENNION, ROBIN, POUYAUD et MARCAIS. La FMF, pourtant représentative depuis 1967, n'était pas invitée…
Dans quel but ?
Pour faire disparaître les nombreuses "taches blanches" sur les cartes départementales conventionnelles et pour concentrer les pouvoirs entre les mains d'un nombre réduit dedécideurs, l'idée d'une Convention Nationale unique fut lancée et bientôt adoptée. Elle permettait de réduire de nombre de stylos nécessaires pour avaliser une Convention de 90 à 2A l'époque, il suffisait de la signature de la CNAM et de celle de la CSMF., selon la forte expression de Jean BENASSY ! La FMF, présumée hostile à ce projet et à tout système réglementaire rendu obligatoire, était censée s'être déjà éliminée d'elle-même…!
Le but recherché était la création et le maintien d'un monopole de fait sur l'ensemble du système d'Assurance-maladie au seul bénéfice de la CNAM et de la CSMF.
Ainsi, en effet, la première Convention Nationale fut signée le 28 Octobre 1971 "au nom de la profession médicale organisée" par la CSMF "seule dans la négociation et elle était respectée" (sic : Mme le Dr. Monique CHASSERAND Mme le Dr. Monique CHASSERAND était une conseillère très écoutée de la CSMF pour ses compétences économiques. in Le Médecin de France n°62 - 23 Juin 1977 – Document p.6).
Cette stratégie visait à éliminer purement et simplement la FMF qui était considérée à l'époque par la CSMF comme MG France le fut lors de sa création 15 ans plus tard… à la suite d'une scission au sein des généralistes de la CSMF.
Après des débats animés au sein de la FMF entre les partisans d'un refus de la nouvelle Convention et l'exclusion de fait que cette position aurait comporté pour la jeune Centrale libérale, celle-ci se résigna le 19 novembre 1971 à apposer sa signature au bas de ce texte.
Il convient de rappeler que sans cette adhésion, même tardive, au nouveau dispositif, la FMF perdait tout droit, même celui de siéger dans les commissions conventionnelles.
Enfin, s'agissant de la représentation du Corps médical français dans les Instances Européennes qui se mettaient en place à cette époque, la CSMF l'exerça seule en partage avec l'Ordre National. Mais la FMF n'y a jamais été admise...
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Alors, des négociations séparées? des contrats catégoriels? des conventions spécifiques? un malheureux siège pour les chirurgiens dans la Commission de la Nomenclature, dont 11 chapitres sur 16 ne concernaient à l'époque que la seule chirurgie? Il n'en serait jamais question car l'esprit des négociations secrètes de la Villa ESPERANZA a longtemps dominé dans le contexte syndical de l'Assurance Maladie jusqu'en 1997, date à laquelle l'UCCSF, enfin reconnue représentative a pu s'exprimer librement après 27 ans d'attente !
Un avenir incertain
Depuis ses lointaines origines mutualistes, la protection sociale devenue Sécurité Sociale a considérablement évolué, surtout depuis 1945 où elle s'est attribuée progressivement un monopole universel sur l'Assurance-maladie, la maternité, les accidents du travail, la vieillesse, selon trois catégories d'assujettis dans 3 régimes différents: les salariés, les travailleurs indépendants et le monde agricole, et plusieurs dizaines de régimes spéciaux.
Ces régimes sont gérés paritairement depuis l'origine, et depuis 1967 par 3 Caisses NationalesCréées par Marcel Jeanneney (dont Raymond Barre fut le Directeur de cabinet) dont les Conseils d'Administration sont constitués par les Syndicats de salariés représentatifs censés représenter les assurés Malheureusement, les Administrateurs, qui étaient à l'origine élus pour 6 ans, n'ont plus aujourd'hui aucune légitimité, puisqu'ils sont automatiquement reconduits par la puissance publique depuis 1989, la date de leur dernière élection remontant à 1983. et par les représentants des employeurs, les uns et les autres cotisants selon des règles établies.
Depuis 1965 / 1970, les Caisses se sont trouvées dans l'incapacité de maîtriser les dépenses de la Sécurité Sociale en dépit de toutes les tentatives et de toute la réglementation élaborée à cet effet.
Le système de protection sociale continuera à creuser un déficit que Michel Rocard espérait juguler avec la création en 1991 de la Contribution Sociale Généralisée (CSG). En avril 1996, les 3 Ordonnances Juppé apportent de profondes réformes de structure, en rapprochant notamment les trois types d'hospitalisation et en instituant enfin un budget annuel de la Sécurité Sociale voté par le Parlement.
Peine perdue puisque les dépenses de santé dépassent systématiquement les prévisions budgétaires dans un contexte économique, social et démographique poussant à une augmentation constante et irrésistible de la consommation des produits et services de santé, augmentation toujours supérieure à l'évolution moyenne des recettes tant que les éléments fondamentaux du système (mélange de collectivisation dans un système d'apparence libérale) ne sont pas remis en cause.
Nous savons depuis longtemps que les dépenses d'Assurance maladie non seulement sont incompressibles, sauf effet ponctuel et sans lendemain après telle ou telle mesure circonstancielle, mais encore qu'elles ne peuvent que croître sous l'effet conjugué
  • des besoins réels ou ressentis des assujettis
  • des progrès techniques fulgurants de la médecine et de leurs coûts induits
  • du vieillissement de la population.
On sait aussi depuis longtemps que
  • 65 à 70% des dépenses hospitalières publiques sont liées aux charges de personnel comme n'importe quelle industrie de main d'oeuvre
  • 70% des dépenses de maladie sont engendrées par 10% des malades
  • 50% des dépenses de maladie sont engendrés dans la dernière année de vie des malades
Force est de constater, sous l'influence de l'interventionnisme étatique permanent, la transformation progressive à peu près totale du système d'assurance en système d'assistance sociale et en moyens de redistribution égalitariste des revenus et de transferts sociaux.
Un avertissement prémonitoire
Le 12 avril 1976, au cours d'un déjeuner-débat présidé par Mme Simone VEIL, le Dr. Pierre BELOT, Président de la F.M.F. a tenu le discours suivant :
" Du fait de l'absence de définition réelle des limites de la couverture sociale, se sont progressivement juxtaposées et additionnées un certain nombre de composantes dans lesquelles les soins proprement dits ne sont qu'un élément mêlé à des aspects sociaux et même politiques entraînant la médicalisation de toutes les agressions subies par l'homme, agressions que notre monde aggrave et accélère. Partant d'une notion d'assistance en faveur des groupes sociaux dont les ressources ne permettaient pas de subvenir à leurs besoins essentiels, le système s'est étendu à l'ensemble de la population et à l'ensemble des états conflictuels auquel l'homme est de plus en plus confronté au cours de sa vie. Créant une assurance-maladie, on a en chemin, oublié de définir l'état pathologique que la Société moderne se doit de prendre en charge "
" La notion d'assistance, justifiée à l'époque, a progressivement fait place à celle de citoyen assisté qui ne se veut plus responsable ni de lui-même, ni de la collectivité. De là s'est créée cette impasse dans laquelle nous sommes maintenant enfermés. Il est clair qu'il est plus que temps de limiter la médicalisation "
"La courbe que, dans cet esprit, on continue par extension d'appeler de "consommation médicale" va bientôt et inéluctablement croiser celle du P.I.B."
Deux ans plus tard, dans un communiqué du 24 Septembre 1979, le Président BELOT constatait avec amertume :
Que de temps perdu : notre certitude est devenue une évidenceEn 1950, la consommation médicale finale représentait 3% du P.I.B. En 1978, elle représentait 7,1% du PIB. En valeur et en francs courants, elle atteignait 3 milliards de frs en 1950. 28 ans plus tard en 1978, elle atteignait 150 milliards de frs. (Source, comptes de la Santé - Revue Economie et Santé n° d'avril 1979).