Le principe ordinal du cabinet unique a longtemps été considéré comme intangible. Pour obtenir, à titre dérogatoire, une autorisation ordinale de cabinet secondaire, il fallait réunir plusieurs conditions parmi lesquelles soit l'absence dans un périmètre déterminé de tout autre cabinet médical pour un généraliste, soit l'absence de tout spécialiste exerçant la même discipline que le demandeur. Ces autorisations étaient accordées au compte-goutte pour ne pas favoriser une médecine "foraine", ni surtout la moindre concurrence directe ou indirecte avec des confrères déjà installés. Cette vigilance ordinale s'expliquait et s'explique toujours en cas de concentration démographique, source de conflits.
Au fur et à mesure du développement des spécialités, cette règle devenait de plus en plus en plus difficile à respecter. Pour la chirurgie par exemple, un urologue ou un spécialiste de la main ne pouvait pas limiter son activité sur un seul site, sauf à avoir un cabinet implanté dans un centre important. Dans de nombreux cas, des chirurgiens cherchant à consulter ou à suivre leurs opérés en dehors du site opératoire de leur clinique, se voyaient refuser par l'Ordre l'autorisation de consulter même dans un département limitrophe au motif qu'ils créaient un cabinet secondaire.
Pendant plusieurs années, le Collège National des Chirurgiens Français, avait plaidé la cause des cabinets secondaires et même tertiaires pour certaines spécialités. Les Présidents de l'Ordre rencontrés, chirurgiens eux-mêmes (à l'exception du Pr. VILLEY qui était médecin), comprenaient parfaitement nos arguments, mais n'osaient pas entreprendre la procédure permettant d'aboutir à une mesure aussi générale. L'Ordre National préférait s'en remettre à une demande adressée au cas par cas devant un Conseil départemental qui avait le pouvoir d'accorder, à titre temporaire, une telle mesure dérogatoire au principe général.
Ce fut le mérite de l'UCCSF et de son Président, Jean Gabriel BRUN, d'obtenir le principe de la généralisation de l'exercice multisite, qui fut toléré tant par l'Assurance Maladie que par l'Ordre dès lors que la mention du cabinet "principal" était clairement indiquée sur les feuilles de maladie. Le prochain "accord de branche" ou tel futur accord ou contrat conventionnel devrait rendre cette tolérance officielle.
Déjà, cette disposition est prévue pour les hospitaliers publics qui assurent un service dans un ou plusieurs établissements voisins, en particulier pour assurer la permanence des soins (P.D.S.).
Cet exemple illustre bien le décalage qui se creuse entre les principes traditionnels et les réalités évolutives du terrain.