Autrefois, c'est-à-dire jusqu'en 1960/1961, l'immense majorité du corps médical hospitalier public, pour ne pas dire la totalité, avait une activité mixte :
  • le matin, à l'hôpital public
  • l'après-midi, exerçant en cabinet de ville en clientèle privée.
Se partageant entre ces deux activités selon les besoins, le médecin hospitalier ne mesurait pas son temps. Tel chirurgien repassait voir ses opérés en clinique ou à l'hôpital, à n'importe quel moment, nuit ou jour férié compris. Il faut rappeler que les équipes hospitalières étaient alors très souvent réduites :
  • un chef de service, un assistant tous deux à temps partiel
  • un ou deux internes temps plein et deux ou trois externes à temps partiel
L'interpénétration entre l'hôpital et la ville était complète et pour reprendre l'exemple du chirurgien, il emmenait à tour de rôle ses internes l'aider à opérer en clinique, ce qui était hautement bénéfique pour les internes sur le plan matériel L'aide-opératoire en ville effectuée par un interne ou un chef de clinique était très appréciée bien que modestement rémunérée par le patron ou l'assistant du service.

Cette rémunération a pourtant donné lieu à un interminable contentieux avec l'URSSAF qui soutenait que l'aide se trouvait dans un état de subordination vis à vis de l'opérateur et comme tel, constitutif du salariat et assujetti aux cotisations sociales.

La justice a donné raison à l'URSSAF obligeant l'aide opératoire à être désormais considéré comme un salarié à la charge du chirurgien employeur.
mais surtout pour leur apprentissage de l'exercice de ville.
La seule différence entre l'exercice libéral de ville et le même exercice à l'Hôpital résidait dans le mode de rémunération :
  • à l'Hôpital, le médecin se flattait d'y travailler gratuitement (ou presque, lorsqu'il percevait une très modeste indemnité "pour soins aux indigents").
  • en ville, le médecin était "honoré" comme dans toute profession libérale, mais, en général ses honoraires étaient plus élevés du fait de ses titres hospitaliers, de sa qualification, de sa notoriété, de son expérience, du temps consacré à l'hôpital.
Ces compensations financières tirées de la pratique de ville auprès d'une clientèle peu nombreuse mais relativement aisée étaient, en général, considérées comme normales.
L'immatriculation à la Sécurité sociale des médecins hospitaliers publics
La situation a évolué à partir du moment ou des médecins hospitaliers (non universitaires) ont réclamé une couverture sociale.
Avant la guerre de 1939, il n'y avait pratiquement pas de médecins hospitaliers "salariés" au sens juridique du terme.
Juste après la guerre, on assiste au développement rapide d'une médecine salariée tant dans le secteur privé que dans le secteur public (médecine du travail, de protection maternelle et infantile, médecine scolaire, etc).
Les premières démarches des médecins à temps partiel se heurtent à l'avis du Conseil d'Etat (rapporteur : M. BARRIOT – 22 mai 1951- section sociale n° 254-452) qui estime que "leur activité hospitalière n'est que le prolongement de leur activité libérale", avis qui souligne au passage l'interpénétration de ces deux modes d'exercice, à la fois dans l'esprit et dans les faits mais qui éloigne d'autant la reconnaissance du lien de subordination constitutif du louage de services donc du salariat au sens de l'art. L. 241 du Code de la Sécurité Sociale.
Première scission syndicale
C'est ici que se place un événement syndical qui a eu d'importantes conséquences sur l'exercice professionnel du médecin hospitalier public.
Il n'existait en effet à cette bien heureuse époque qu'un seul syndicat de médecins hospitaliers publics dirigé par des Professeurs de Faculté. Un beau jour, lors d'une réunion à NIORT en 1955, quelques médecins d'hôpitaux généraux, demandent timidement et respectueusement que des démarches soient entreprises par le syndicat dont ils sont membres pour tenter d'obtenir leur affiliation à la Sécurité Sociale. Ils essuyèrent un refus catégorique de la part des dirigeants de ce syndicat au motif que cette démarche "précipiterait l'évolution de la profession tout entière vers la fonctionnarisation."
Cet argument n'arrêta pas les demandeurs, d'autant plus que les universitaires avaient déjà une couverture sociale complète du fait de leur statut de fonctionnaires de l'Education Nationale, complétée par des fonds de solidarité privée alimentés par des prélèvements sur la masse des honoraires médicaux, leur permettant ainsi d'échapper à la loi des cumuls sur les retraites…
Ces médecins non universitaires quittèrent alors ce syndicat pour s'affilier à la Confédération Générale des Cadres et avec son aide, finirent par obtenir après cinq années de démarches et d'actions contentieuses devant différentes juridictions, la reconnaissance du caractère salarié des émoluments de ces médecins au regard du fisc (arrêt du Conseil d'Etat du 7 janvier 1956, 7ème sous-section du contentieux) puis du lien de subordination vis-à-vis de l'employeur qui entraîna, à son tour, à dater du 1er janvier 1960, l'immatriculation de tous les médecins hospitaliers à la Sécurité Sociale, mesure dont personne ne conteste plus aujourd'hui le bien fondé.
Ainsi, par le biais d'une revendication sociale, l'activité du médecin à temps-partiel n'était plus considérée, 9 ans plus tard, comme le prolongement de l'activité libérale de ces médecins. Elle avait désormais tous les caractères d'une activité salariée pouvant, au regard des cotisations sociales alors plafonnées, être inférieure, égale ou supérieure à l'activité libérale dont elle était devenue bien distincte.
L'évolution des statuts
Le premier de tous, le règlement d'administration publique (R.A.P. du 17 avril 1943) est en réalité la première Charte Hospitalière qui fixe, en 248 articles, les règles de fonctionnement des hôpitaux qui vont s'ouvrir aux assurés sociaux et les statuts du personnel médical.
Il n'est pas encore établi de distinction entre "temps plein" et "temps-partiel" (sauf pour les internes qui doivent assurer la contre-visite et prendre des gardes.)
J'ai toujours admiré la prouesse réalisée par Mlle Marianne DEMOLON et Mme Henriette FARCAT, secondées par Mme FABREGUE et Mlle Trégouet, qui ont, en quelques mois et dans des conditions matérielles extrêmement précaires, mis au point un document administratif de cette qualité, véritable chef d'œuvre sous l'empire duquel les hôpitaux vont être régis pendant les 30 ou 40 années suivantes...!
Les deux Ordonnances de Décembre 1958 et le décret n° 60.1030 du 24 Septembre 1960 (pour les C.H.U.) ainsi que le décret d'Août 1961 (pour les Hôpitaux non CHU) fixent les règles du plein-temps soit 11 demi-journées (sans parler des gardes et astreintes, terme qui n'apparaîtra qu'au terme d'une longue négociation conduite sous la direction du Professeur MOLLARET de 1968 à 1973).
Ce n'est que le 3 mai 1974, après 11 ans de négociations menées par mes amis, les Dr. Jean SOLIGNAC et André BLANCHET que parait le premier décret sur l'exercice à temps partiel des assistants dont la durée d'activité est répartie sur six demi-journées avec dérogations possibles à 5 ou à 4 demi-journées. Le deuxième statut des médecins à temps partiel attendra le 29 mars 1985 (Décret n° 85-384), soit après encore 11 ans (22 ans au total).
Calqué sur les nouveaux statuts des praticiens à plein-temps, (recrutement, dissociation du grade et de la fonction, avancement, etc…) le statut du temps partiel comporte une amélioration encore timide de la couverture sociale, la reconnaissance du droit syndical et des congés de formation. Mais, il comporte toujours, malgré les demandes syndicales, le renouvellement quinquennal imposé par la loi BOULIN du 31 décembre 1970.
Il faudra encore attendre les ajustements successifs du 9 juin 2000, du 31 mars 2001 et du 26 septembre 2001 pour aboutir au statut unique de PH à temps plein ou à temps partiel, profils de carrières, obligations de service et avantages sociaux identiques (à l'exception du calcul des cotisations IRCANTEC sans cesse repoussé).
Il s'agit-là d'un véritable succès syndical obtenu par une action persévérante poursuivie pendant plus d'un quart de siècle !