19 mars 1974 – 14 septembre 1992 : près de 19 ans de patience avant d'avoir droit à la parole !
Il aura fallu en effet 18 ans ½ exactement de patience, d'efforts, de rebuffades aux praticiens exerçant sous forme libérale en clinique privée pour être enfin admis le 14 septembre 1992 dans un groupe de travail officiel, réunissant au Ministère, autour de la même table, les représentants des trois Caisses Nationales d'Assurance-maladie, les fédérations de maisons de santé privée, sous la présidence du Directeur des Hôpitaux, M. Gérard VINCENT, entouré de ses collaborateurs.
Consacré à l'étude et à la mise en place du P.M.S.I dans le secteur de l'hospitalisation privée, ce groupe de travail avait pour objectif de prendre l'avis de tous ceux qui seront appelés, depuis le résumé standardisé de sortie (RSS), jusqu'à l'évaluation des coûts par pathologie, d'élaborer un système capable de mesurer tous les paramètres nécessaires à la réalisation de cet ambitieux projet.
Des salons de la Maison de l'Amérique Latine
Tout avait en effet commencé par une belle après-midi d'un printemps encore timide 18 ans et demi plus tôt, le mardi 19 mars 1974, dans un des salons de la Maison de l'Amérique Latine où se trouvaient rassemblés tous les acteurs de l'hospitalisation privée : les représentants de l'Assurance-maladie au plus haut niveau MM. BLAIS et GOURAUD , l'Ordre National des Médecins représenté par son Secrétaire Général Le Dr. Jean- Marie CLOSIER , les responsables de l'hospitalisation privée, (FIEHP Le président Yves LE COUTOUR   et UHP Le délégué Général, Me Daniel HEBERT ) et les syndicats de médecins, la CSMF Le Président Jacques MONIER   et la FMF Le Président Pierre BELOT, accompagné des représentants du Collège National des Chirurgiens Français et de la FNEP .
Le but de cette réunion était d'étudier tous les éléments qui devaient être pris en compte pour l'élaboration de contrats-types définissant les relations entre les praticiens et les cliniques privées. Suivie de plusieurs autres, cette réunion fut à l'origine de la signature solennelle le 18 décembre 1974 des fameuses recommandations communes qui devaient constituer les éléments et principes directeurs des contrats.
Au cours de ces échanges de vues ce fameux 19 mars 1974, où je représentais la FNEP avec Jacques AVET, à mon tour de parole, j'ai avancé la proposition suivante, que j'avais eu l'occasion de formuler quelques semaines plus tôt dans la sous-commission DOBLER-FLAMME du VIème PLAN, où je siégeais en qualité de médecin hospitalier CGC. Cette Commission consacrée (déjà !) au coût de la santé et de la protection sociale, avait retenu mon exposé sur la dualité conventionnelle séparant les médecins et les cliniques. Pour rendre le système plus logique et plus efficace, j'avais suggéré une conception tripartite de l'architecture conventionnelle négociée et conclue entre les trois partenaires indissociables.
Cette proposition fut jugée intéressante au point de figurer dans le rapport de la Commission du PLAN. Renouvelée dans la réunion du 19 mars, elle ne retient guère l'attention des participants, à l'exception du représentant de l'ORDRE qui estima qu'elle faciliterait l'étude des contrats praticiens-cliniques, principal sujet d'actualité…
Elle fut reprise par la suite le 24 novembre 1974 à l'hôtel HILTON-ORLY à l'issue de la réunion des spécialistes de la table ronde n°5 présidée par le Dr. Jean MARCHAND et retenue par la F.M.F. à laquelle la FNEP et le Collège National des chirurgiens français à laquelle ils appartenaient alors, pour être incluse dans son projet de Convention 1975. Voir Cahiers de Chirurgie n° 14, 2/1975, p.108-112
Mais par la suite, malgré les efforts répétés de la FNEP et du Collège, cette proposition ne vit jamais le jour. L'Assurance-maladie se borna à des objections de principe, essentiellement juridiques mais nullement insurmontables. Elle préférait manifestement n'avoir qu'un seul interlocuteur à la fois, en l'occurrence les cliniques privées, plutôt que deux avec les praticiens exerçant dans ces établissements qui, au surplus, pouvaient joindre leurs efforts et leurs arguments à ceux des cliniques privées…
L'opposition la plus constante et la plus déterminée vint précisément des gestionnaires des cliniques qui repoussaient en bloc ce projet avec un seul argument valable : il n'était pas question de donner un pouvoir quelconque à ceux des praticiens qui n'étaient que de simples utilisateurs des plateaux techniques. Seuls pouvaient décider du sort des cliniques les praticiens porteurs de parts du capital social de ces établissements…
Il est vrai qu'au moment où cette proposition fut avancée - 1974 rappelons-le - la plupart des cliniques étaient encore en majorité détenues par les chirurgiens et les autres spécialistes propriétaires, seuls ou associés aux fondateurs de l'établissement. C'était encore la période faste de l'expansion économique des fameuses "trente glorieuses".
Mais progressivement, les praticiens perdirent la propriété de leurs établissements et les porteurs de parts, même s'ils étaient encore nombreux, ne possédaient plus qu'une fraction symbolique du capital social de la clinique, parfois réduit à un simple droit d'entrée non récupérable… De plus, au hasard des successions le capital devint de moins en moins médical. Enfin, l'apparition des grands investisseurs accéléra cette transformation.
…à la Conférence médicale d'établissement (C.M.E.)
L'idée même d'une convention tripartite de l'hospitalisation, qui aurait pu apporter un soutien aux cliniques grâce à l'appui des praticiens soucieux de défendre leur instrument de travail de plus en plus menacé, fut systématiquement repoussée par les responsables de l'hospitalisation privée eux-mêmes, Louis SERFATY en tête.
Devant cette attitude, les praticiens s'efforcèrent d'obtenir une reconnaissance officielle en s'adressant cette fois directement aux Pouvoirs Publics. L'occasion leur fut offerte par la Commission GUILLAUME-BRIET qui entendit les représentants de la FNEP et retint ses principaux arguments, parmi lesquels la notion d'une participation organique du corps médical dans le fonctionnement technique des cliniques.
Cette idée fut retenue dans le rapport de la Commission sur la maîtrise des dépenses de santé qui devait servir quelques mois plus tard à l'élaboration de la loi EVIN sur la réforme hospitalière.
Combattue par certains représentants de l'hospitalisation privée – ceux-là mêmes qui repoussaient toute participation du corps médical exerçant dans les cliniques et tributaires de leurs plateaux techniques " Je ne veux pas de soviet chez moi ! " avait même déclaré l'un d'eux avec détermination et emportement. Il faut reconnaître, que ce même dirigeant, plusieurs années plus tard a publiquement et à plusieurs reprises retiré ces propos lorsqu'il eut enfin compris son erreur. , la Conférence Médicale d'Etablissement fut sauvée de justesse lors du débat parlementaire et tout le monde s'en félicite aujourd'hui Certains représentants du corps médical exerçant en clinique (le SYMHOP affilié à la CSMF),, après avoir longtemps soutenu le point de vue des responsables de l'hospitalisation privée contre la FNEP et le COLLEGE, se targuent d'une idée qu'elles ont violemment repoussée et dont elles s'attribuent aujourd'hui le mérite …! , puisqu'elle donne enfin une existence légale aux praticiens exerçant dans ces établissements, qui jusqu'alors n'en avaient aucune. De plus, elle associe désormais ces praticiens au fonctionnement médical et aux grandes orientations de l'établissement.
Si dès l'origine la Conférence Médicale d'Etablissement, dont l'installation fut longtemps freinée par l'hostilité générale distillée par les représentants de l'hospitalisation privée, n'avait qu'un rôle consultatif, elle n'en constituait pas moins le tout premier jalon d'une participation plus active du corps médical dans les relations entre les cliniques et l'Assurance-maladie. Très rapidement, la puissance publique fut bien aise de trouver cette structure médicale, non seulement pour la mise en place du PMSI, mais encore pour instaurer toutes les "transversalités" qui sont typiquement de la compétence du corps médical.
On imagine mal comment on a pu se passer si longtemps des avis des médecins dont le rôle à l'intérieur des cliniques et à l'extérieur avec le corps médical de ville et la population s'avère pourtant essentiel.
Malgré la loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 dite loi EVIN et les retards rappelés plus haut à l'installation des premières CME, il fallut encore recourir à un geste spectaculaire pour vaincre les dernières réticences :
Le blocages des R.S.S.
En menaçant le 7 janvier 1992 de refuser d'établir les Résumés Standardisés de Sortie, et en mettant cette menace à exécution le 17 mars 1992 au motif que la mise en place expérimentale des P.M.S.I. dans 74 cliniques avait été décidée sans les médecins, la FNEP, le Collège et le Syndicat National des Anesthésistes Français furent entendus aussitôt par la Direction des Hôpitaux puis par la CNIL où ils exposèrent les motifs de leur mouvement de protestation.
Devant les conséquences de cette fronde, les pouvoirs publics et les responsables de l'hospitalisation privée ont bien été forcés d'admettre la participation des praticiens dans les instances du PMSI.
14 septembre 1992 : début encore timide du tripartisme
Ainsi, la porte obstinément verrouillée s'est entrouverte : les praticiens ont réussi à pénétrer ce jour-là dans la salle du Ministère où jusqu'ici seuls les pouvoirs publics, les Caisses nationales d'assurance maladie et les Fédérations de l'hospitalisation privée se rencontraient périodiquement pour fixer, toujours sans les médecins, le contenu et le suivi des accords conclus dans le domaine de l'hospitalisation privée.
Pour modeste qu'il fut, ce succès a eu une certaine valeur symbolique : désormais, depuis l'institution de la CME, l'idée que la présence du corps médical à l'intérieur des cliniques, et dans leurs relations extérieures, ne peut plus être ignorée a fini non sans mal par s'imposer.
Mais pourquoi faut-il en arriver à un mouvement de grève pour se faire entendre et appliquer simplement l'esprit d'une loi ?