On peut en effet se poser la question en ce début du XXI ème siècle, puisque toute la médecine praticienne française, du généraliste (référent, traitant ou de famille) à l'enseignant, au chercheur, est désormais spécialisée.
Que sont devenus les grands Maîtres d'autrefois, les GUILLAIN qu'on venait consulter d'Amérique du Sud à la Salpêtrière, les CAROLI dont la clientèle cosmopolite fréquentait le Faubourg St Antoine, les HAMBURGER ou les COUVELAIRE qui attiraient à Necker les insuffisants rénaux et les prostates les plus illustres de la planète ?
Est-ce parce qu'ils exerçaient tous à « temps-partiel » ? Non, certes mais la médecine française était alors réputée la meilleure du monde.
Qu'en est-il aujourd'hui 40 ans après la Réforme DEBRE, la suppression de l'externat suivie bientôt par celle de l'internat, nonobstant les stupéfiants progrès techniques des 30 dernières années ?
Le critère souverain de "qualité" s'est progressivement effacé derrière celui de "maîtrise des coûts", malgré l'artifice sémantique quelque peu hypocrite de sa "médicalisation".
Si certaines spécialités ont un champ d'activité bien délimité dans lequel elles évoluent selon leur expérience et leurs innovations induites, la médecine dite générale peut-elle conseiller utilement et en toutes circonstances, un patient d'une façon efficace parce que elle est censée être spécialiste « en tout » ?
Elle doit se borner à orienter le patient selon quelques itinéraires de « triage » bien balisés et suivre son parcours en l'accompagnant avec ses conseils.
S'il n'est pas possible de tarifer l'acte intellectuel, comment rémunérer le bon conseil qui aura évité une intervention inutile ou dangereuse en donnant la meilleure réponse ? A l'inverse, si le conseil s'est révélé sans effet, inapproprié ou même néfaste, comment le spécialiste / généraliste pourra-t-il être honoré d'autant plus qu'un délai variable s'écoulera entre la consultation initiale d'orientation et son lointain résultat ?
Doit-on maintenir le système de la rémunération à l'acte ? ou expérimenter la capitation ?
Faudra-t-il généraliser le système du forfait ? à la pathologie ? à l'activité ?
S'orientera-t-on vers la gratuité totale, la collectivité acceptant de cotiser pour alimenter une Caisse Nationale Unique pour souscrire une assurance générale obligatoire prenant en charge tous les frais médicaux et sociaux d'un individu et de sa famille, du berceau au cercueil ?
Si la nouvelle Réforme n'atteignait pas son véritable but, il faudra bien se résoudre à supprimer le monopole qu'exerce l'assurance-maladie actuelle depuis l'origine sur une population captive et rechercher un système plus ouvert à la concurrence, auto-régulatrice par nature.
Le Collège National des Chirurgiens Français avait envisagé cette formule dès 1986 dans l'article intitulé "SECURITE SOCIALE à bout de souffle" (in CAHIERS DE CHIRURGIE, 15ème année, n° 60 – 4/1986, p.132-133). Cet article prémonitoire mais non-conformiste avait alors provoqué l'indignation de ceux qui tiraient directement profit de cette situation privilégiée…