Dans une analyse pertinente intitulée "travail de droite, loisirs de gauche?", Jean Michel BEZAT, un des meilleurs spécialistes des rubriques sociales du MONDE, s'est efforcé, en termes mesurés, de définir et de juger la conception socialiste du travail dans la société. Un passage et sa conclusion méritent d'être cités :

 

" Tout à son idéalisme émancipateur, la gauche a péché par excès d'optimisme en érigeant la société du temps libre, en modèle dominant, voire hégémonique "

 

"Sans renier les lois AUBRY, les socialistes admettent aujourd'hui leur erreur d'analyse, convaincus que le ressentiment des classes populaires a pesé lourd dans leur échec électoral du printemps 2002. Conscients aussi sans doute des limites de la société du temps libre qui pourrait avoir un effet radicalement opposé : pousser au repliement de l'individu sur la sphère privée et renforcer la solitude et le désenchantement de l'homme moderne. La démocratie citoyenne défendue par une grande partie de la gauche n'en sortirait pas revivifiée."

 

L'erreur conceptuelle majeure, introduite par les sociologues et à leur suite par certains politiques, consiste à continuer à soutenir que le travail est toujours une forme d'aliénation de l'individu alors qu'il est au contraire une source d'épanouissement, d'enrichissement intellectuel si le temps libre est convenablement utilisé, et de satisfactions multiples.

 

Faut-il rappeler avec La BRUYERE que "l'ennui est entré dans le monde par la paresse" (Caractères) ?

 

Restés figés sur le XIX ème siècle incarné par les marxistes ("l'exploitation de l'homme par le capital") et par l'esclavage des travailleurs plongés dans la pauvreté et la détresse sociale puissamment décrites par ZOLA, les partis de gauche revenus au pouvoir n'ont eu de cesse de rallumer la lutte des classes pour transformer la pénibilité du travail, pourtant largement atténuée par la machine, les progrès techniques et sociaux induits, au profit des loisirs avec un angélisme, avec une candeur et une naïveté confondantes.

 

La fameuse RTT inspirée par l'angélisme idéologique d'un Jean-Jacques ROUSSEAU ressemble à une scorie tératologique dans le monde hyper-industrialisé du XXI ème siècle.

 

C'est pourtant dans ce même XIX ème siècle que l'on redécouvre les préceptes fameux d'un politique, François GUIZOT, les prévisions d'un économiste avisé, Frédéric BASTIAT, ou les travaux d'un philosophe, Auguste COMTE, dont la doctrine du "positivisme" pourrait éclairer la société du XXI ème siècle.