Il est habituel de citer la phrase célèbre attribuée tantôt à Georges CLEMENCEAU, tantôt à Edouard HERRIOT : "Lorsqu'une question devient embarrassante, il suffit de l'enterrer en créant une Commission !".
Certes, tout sujet, nouveau ou ancien, peut être soumis à l'avis d'un certain nombre de personnalités censées compétentes pour en débattre et proposer des conclusions à l'autorité qui a souhaité être éclairée avant de prendre une décision en s'appuyant sur l'avis collectif de la Commission derrière lequel elle s'abritera par la suite. C'est aussi une façon élégante et de plus en plus fréquente d'ouvrir le parapluie des responsabilités.
L'expérience nous a appris que l'efficacité d'une commission dépend principalement de deux facteurs :
- le premier, c'est la qualité et la compétence des membres choisis par l'autorité qui a décidé la création et l'objet de la Commission. Tantôt c'est l'autorité qui a créé la commission qui choisit elle-même les membres qui la composeront. On soupçonne que ce choix est souvent induit par les conclusions attendues des travaux de la Commission.... Tantôt le choix est laissé à l'appréciation de son futur président désigné au moment où il reçoit sa lettre de mission du ministre responsable. Dans les deux cas, le choix des membres est décisif : tout en respectant une certaine objectivité et un savant équilibre apparent, la commission a très souvent, au moins au départ, une certaine orientation, celle qui est souhaitée par l'organisme ou le décideur qui l'a crée.
- le second, c'est le nombre des participants. Si le sujet s'y prête et si la réponse n'est pas urgente, ou si au contraire, on ne recherche pas une orientation trop tranchée, on multiplie le nombre des participants qui se neutralisent par leurs interventions successives au cours d'une seule séance : tel est le cas p.ex. des Commissions des Comptes de la Sécurité Sociale ou des Comptes de la Santé qui totalisent facilement 50 à 60 membres officiels et parfois beaucoup plus, si on compte tous les suppléants ou les collaborateurs habituellement muets.
Ces "grand messes" réunies une ou deux fois par an permettent aux participants de représenter l'organisme qui les a désignés, même s'ils se bornent à faire simplement acte de présence, et à d'autres de s'exprimer plus ou moins longuement pour justifier leur mission et répéter leurs prises de positions précédentes qui n'apportent en général rien de nouveau à la discussion générale.
Pour être efficace, une commission de travail ou d'études ne devrait pas à mon sens dépasser 8 à 12 membres, avec une Présidence tournante, un Secrétariat fixe et un temps de parole limité. L'attention des participants en petit nombre s'émousse au delà d' une heure et demie environ imposant des séances fréquentes. C'est dans ces conditions physiologiques optimales que les conclusions ont quelque chance d'être fécondes.
Rappelons que la période contemporaine génère un nombre croissant de sujets nouveaux et complexes qui ne peuvent être abordés que pas à pas, avec prudence et dans des réunions de spécialistes appropriées qui doivent à leur tour se forger une opinion.