Sans aller jusqu'au paradoxe soutenu par Pierre ROUQUES, membre actif du parti communiste et assistant de Gaston METIVET à CRETEIL, prétendant "former un chirurgien de n'importe quel ouvrier de la Régie RENAULT", il existe derrière cet aphorisme, une certaine réalité : la chirurgie est avant tout un métier manuel, exigeant une maîtrise de soi et du geste technique, un esprit d'observation et d'auto-critique nourrissant en permanence une expérience sans cesse enrichie tant par la réussite que par l'échec. Seule, une analyse lucide et sans complaisance permet de corriger ses défauts, ses erreurs, ses fautes.
Comme tout le monde, j'ai connu des succès, mais aussi quelques échecs cuisants dont j'ai cherché à analyser les causes sans les trouver sur le moment mais parfois longtemps après, lors d'un cas comparable. Cette auto-évaluation devenue très à la mode de nos jours, nous avait été enseignée dès l'internat par notre Maître Gaston METIVET : il exigeait de chacun de nous une confession publique à la suite de tout décès dont nous étions censés être responsables et qui était consigné sur le fameux cahier noir. Vous vous en souvenez sûrement, amis GENESSEAU, DIONISI, et JUVENELLE, lorsque nous devions signer nos aveux sur ce fameux cahier confié à la garde de Madame GACHASSIN, la fidèle et vigilante secrétaire du patron.
A tous les visiteurs, METIVET montrait ce cahier avec une certaine fierté, ébauchant dès 1948/1949, les principes qui seront repris et technocratiquement améliorés 50 ans plus tard par l'ANAESLes Ordonnances JUPPE du 24 avril 1996 (et notamment l'art. L. 710-5 du Code de la Santé Publique) suivies du décret du 7 avril 1997 précisant les missions de l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES).
METIVET était chirurgien des Hôpitaux de Paris, mais loin des usages d'un mandarinat auquel il demeurait étranger, il se considérait comme il le disait lui-même "un chirurgien de banlieue", se laissant guider par sa seule conscience, faisant part avec simplicité et même humilité de ses doutes à son entourage, au merveilleux ARNAVIELHE, à ses infirmières, à ses élèves. C'est cette grande leçon que j'ai retenue. Lorsque chaque matin pendant mes 37 années de carrière, j'entrais en salle, j'éprouvais comme les acteurs qui entrent en scène un certain trac, surtout lorsqu'il s'agissait d'une intervention importante, instant de doute vite dissipé à la fois par l'automatisme des gestes professionnels, et aussi par le rappel de conscience toujours présent inculqué par un Maître vénéré par tous ses élèves, sans exception.