Si le corps médical éprouve toujours des scrupules à déclencher une grève, il précise toujours que les urgences seront assurées. A l'hôpital public, tout arrêt de travail catégoriel n'entraîne qu'une gêne passagère, les autres catégories professionnelles s'employant à combler les lacunes créées par le mouvement de protestation. Il n'en va pas de même en milieu libéral de ville où la grève se limite à la rigueur à une forme administrative. En outre, en clinique privée, elle retentit sur l'activité de l'établissement qui ne peut en aucun cas interrompre son activité, sous peine de disparition à bref délai.
Or, devant l'aggravation continue des contraintes qui frappent simultanément les praticiens, leur instrument de travail et leur personnels, des voix de plus en plus pressantes s'élèvent contre la timidité - et donc l'inefficacité - de tout mouvement quel qu'il soit. Ainsi, la notion d'une grève de soins commence à être prônée par la fraction la plus jeune du corps médical moins soucieuse que son aînée du respect quasi-religieux du dogme de la permanence des soins.
Il n'en va pas de même dans les autres catégories professionnelles qui constatent avec amertume que les "décideurs" ne commencent à s'émouvoir qu'après le début d'un arrêt de travail. Or, la fréquence croissante de ce moyen d'attirer l'attention des responsables et de l'opinion traduit la difficulté d'ouvrir un dialogue social, la grève étant devenue quelle qu'en soit sa forme ou son objet, un droit imprescriptible.
Soit.
Mais tout le monde a pu voir, à la télévision comment une grève se déclenche ou se prolonge : un orateur met aux voix la proposition qui, bien souvent, est en réalité une décision déjà prise Les formes démocratiques semblent respectées, en apparence. Il n'en est rien puisqu'il s'agit toujours d'un vote à main levée. Malheur à celui qui se singulariserait en exprimant publiquement son désaccord... On a bien vu en 1968, dans les amphithéâtres de la Sorbonne ou des Facultés occupées comment les meneurs procédaient de façon à emporter des votes publics unanimes suivis d'applaudissements frénétiques. Il en va souvent de même depuis des décennies dans tous les secteurs d'activité... sauf lorsque le vote se déroule - très rarement il est vrai - à bulletin secret.
La réglementation prévoit bien le dépôt d'un préavis de grève.
Pourquoi ne pourrait-on la compléter en exigeant que les votes se déroulent non à main levée mais à bulletin secret, comme tout scrutin réellement démocratique, principe dont se réclament toujours ceux qui les organisent...?