Toutes les fois qu'une question embarrasse un gouvernement, et s'il dispose d'une longévité suffisante, il consulte différentes personnalités sur les indications de membres de son cabinet ou de son Administration, voire tout simplement de ses relations personnelles. Le ministre choisit alors certains d'entre eux pour créer des groupes de travail chargés de dresser un état des lieux, d'étudier des sujets précis, de procéder à des consultations et de formuler des propositions.
Habituellement, un ou plusieurs de ces groupes de travail seront transformés en Commissions officielles par une lettre de mission définissant l'objet précis de l'étude, sa durée et les moyens mis à sa disposition. Le ministre demandera périodiquement au président de la Commission qui était souvent l'animateur d'un des groupes de travail, de lui rendre compte de l'état d'avancement des travaux par l'intermédiaire d'un membre de son cabinet chargé de suivre le dossier. Si l'urgence le justifie, il demandera la rédaction d'un premier rapport dit "d'étape" qui précédera parfois de plusieurs mois le rapport définitif. Ce rapport sera ensuite, si le ministre le juge utile, largement divulgué, parfois d'une façon quelque peu solennelle, lors d'une conférence de presse qu'il présidera lui-même.
Sous la IIIème République, l'opinion goguenarde laissait entendre que la création d'une Commission était le meilleur moyen d'enterrer un sujet épineux. Sous la IVème et surtout sous la Vème République, les gouvernements successifs ont au contraire de plus en plus souvent eu recours à cette méthode d'étude sous l'influence en grande partie de l'évolution des techniques face aux transformations rapides de la société.
Une liste sommaire
Il est impossible de dresser une liste exhaustive des innombrables rapports qui furent établis seulement dans le domaine médico-social.
Je citerai de mémoire ceux auxquels j'ai participé, directement ou non : le rapport MAC ALEESE sur la responsabilité médicale et la justice, la Commission FOUGERE sur l'enseignement, le groupe BERNIER sur les hôpitaux, la Commission ORDONNEAU sur la médecine salariée, le rapport confidentiel des sociologues qui "sous la direction de Michel CROZIER" décrivent la Société bloquée et appellent une décentralisation des responsabilités, en particulier pour les directeurs d'hôpital qui sont dans l'incapacité de piloter leurs propres établissements.
Pendant les trois années du gouvernement ROCARD (1989-1992), on pouvait recenser jusqu'à 11 rapports dont j'ai reconstitué la liste probablement incomplète.
  • Le rapport RAILLARD sur l'imagerie médicale

  • Le rapport GUILLAUME-BONNET-GALZY de mars 1988

  • Le rapport GUILLAUME-BRIET (juillet 1989) sur l'harmonisation des financements de l'hospitalisation publique et privée (c'est ce rapport qui nous a permis deux ans plus tard d'introduire la Conférence médicale d'établissement dans la loi hospitalière de juillet 1991)

  • Le rapport SILLAND sur l'allègement de la tutelle.

  • Le rapport LAROQUE sur l'hébergement des personnes âgées et dépendantes.

  • Le rapport DANGOUMEAU-BIOT sur l'industrie pharmaceutique

  • Le rapport LACHAUX sur la place de la médecine générale dans le système de santé et la réforme du 3ème cycle.

  • Le rapport ARMOGATHE sur l'évaluation médicale et la formation médicale continue.

  • Le rapport MEME sur l'Europe et la protection sociale

  • Le premier rapport STEG au Conseil Economique et Social sur les urgences

  • Les rapports DUBOIS-GOT-GREMY-HIRSCH et TUBIANA sur le tabagisme et l'alcoolisme

  • Le rapport PEIGNé sur l'hospitalisation qui fut à l'origine de la loi hospitalière de juillet 1991.

Signalons pour mémoire de nombreux travaux annexes comme par exemple le rapport du CNES (juin 1989) sur l'harmonisation des conditions de concurrence entre l'hôpital public et l'hôpital privé et le rapport collectif de la D.G.S. sur la Santé des Français (SIDA, suicides, longévité).
Cette simple énumération montre l'ampleur du travail qui a été demandé à tous ceux qui, de près ou de loin, pouvaient contribuer à ces études à la fois techniques et prospectives.
Les rapports les plus récents
Dans le domaine des urgences, sujet toujours en question, deux nouveaux rapports ont été établis et actualisés : le second rapport STEG (Commission Nationale de restructuration des urgences) suivi du rapport BARRIER qui ont étendu leur champ aux liaisons ville/hopital et qui ont débouché sur la création des SAU (services d'accueil des urgences) et des ANACOR (antennes d'accueil, d'orientation et de traitement des urgences) devenues UPATOU (unités de proximité, d'accueil, de traitement et d'orientation des urgences).
Toujours dans le domaine de la Santé et de l'hospitalisation, on retiendra les rapports de Claudine ESPER (sur la modernisation des hôpitaux), celui de Mme Dominique POLTON, étude prospective sur la santé à l'horizon 2010, ou encore celui de M. Alain PICQUET sur l'expérimentation dans les hôpitaux veolontaires et la participation des médecins.
Au moment de la nouvelle majorité consécutive à la dernière élection présidentielle, le gouvernement RAFFARIN se penche sur les conclusions de quatre rapports d'actualité, celui de Christian BABUSIAUX (assurances complémentaires et accès aux données médicales), celui de Mme Rolande RUELLAN, celui de Mr CHADELAT et celui d'Alain COULOMB. Ce dernier a succédé à l'ANRES au Pr MATILLON qui a initié et coordonné une somme considérable de travaux sur les sujets les plus divers et notamment l'évaluation des compétences des professionnels de santé.
Les travaux des institutionnels
Parallèlement à tous ces travaux qui sont le plus souvent commandés par un ministre et suivis par son cabinet sur des sujets délimités, il convient d'évoquer toutes les études qui sont entreprises par tous les organismes officiels tels que les Assemblées législatives, les rapports annuels de la Cour des Comptes, des Comptes de la Santé, de la Sécurité Sociale, des Sociétés savantes telles que l'Académie de Médecine, de l'Académie de chirurgie, de l'Ordre des Médecins, etc.
En terminant cette rapide récapitulation des innombrables organismes qui travaillent sur les mêmes sujets, je voudrais insister sur le rôle discret et souvent méconnu du Commissariat Général du Plan qui s'est, depuis sa création en 1946, régulièrement penché sur l'évolution des principaux secteurs de la société contemporaine, sous un éclairage constamment actualisé et d'une grande objectivité.
Dans le domaine des Affaires sociales, de la Santé et de leurs répercussion sur l'économie du pays, on retrouve très souvent les mêmes personnalités qui se sont acquis, chacune dans leurs domaines respectifs, une notoriété légitimée par leurs travaux et leur expérience.
D'autres études, les unes ponctuelles sur un sujet d'actualité, les autres prospectives, peuvent rappeler des orientations déjà évoquées puis abandonnées. Ainsi le rapport de l'IGAS de septembre 2006 (43 pages) sur l'application du protocole du 24 août 2004 (Mme Christine DANTHUME et Pr Henri GUDICELLI) et ceux de M. Jean-Baptiste de FOUCAULD et de l'équipe de M. Bernard BRUNHES, un des 4 Sages, suggèrent timidement le retour de la Direction Médicale des Hôpitaux, que nous continuons à proposer inlassablement depuis 1960 !
Un énorme gâchis
C'est ainsi que pour avoir participé à certaines commissions du Vème Plan, j'ai pu apprécier la compétence et l'objectivité des participants. J'ai poussé la curiosité jusqu'à relire certains compte rendus de plusieurs Plans successifs et j'ai retrouvé la plupart des sujets qui sont évoqués en permanence dans le secteur médico-social depuis un bon demi-siècle accompagnés de toutes les suggestions correspondantes. On peut même avancer que si on commençait, avant de créer une commission nouvelle en vue de rédiger un n-ième rapport, par relire les conclusions du Plan sur le même sujet, on gagnerait du temps et de l'argent en évitant l'invraisemblable gâchis engendré par l'élaboration de cette montagne de rapports qui a mobilisé tant de monde et qu'on a vite oubliés.
L'un d'eux, le rapport BERNIER qui avait demandé deux ans de travail, avait paru si dangereux, par les demandes qu'il formulait et les dépenses qu'il annonçait, qu'il ne fut même jamais publié. Longtemps stocké dans une armoire du ministère fermée à double tour, ce rapport a fini par être envoyé au pilon, sans que personne n'en détienne un exemplaire…
A ce jour, le rapport VALLANCIEN au Premier Ministre (avril 2006 – 78 pages) représente le travail le plus complet et le plus récent pour classer les blocs opératoires publics et privés selon les conditions de sécurité, de qualité et d'organisation. Ceux qui ne répondent pas aux critères devront être soit améliorés soit supprimés.
Dix propositions précises complètent cette étude pour favoriser l'exercice de la chirurgie.
D'autres, tout aussi urgentes, auraient pu par exemple amorcer le rapprochement toujours différé entre les 3 partenaires inséparables, les praticiens utilisateurs des PTL, leurs gestionnaires et les organismes payeurs.
Enfin, M. Alain COULOMB, devenu Président de la Haute Autorité de Santé, prépare un important rapport sur l'automédication qui permettrait de freiner les dépenses d'Assurance-Maladie...