La seconde moitié du XXème siècle de notre histoire médico-sociale aura été marquée par la succession de quatre types d'Etats Généraux, événements qui reflétèrent, s'il en était besoin, les profondes transformations survenues au fil des années dans le secteur de la Santé. 
 
1967 : les hôpitaux.
En 1964, à l'initiative d'organisations syndicales, de personnalités de la Sécurité Sociale, du corps hospitalier et hospitalo-universitaire, (parmi lesquelles les Professeurs Paul MILLIEZ, Pierre DENOIX, Jean GOSSET, Roger COUVELAIRE), et politiques (notamment Mme POINSO-CHAPUIS, Marcel PELLENC, Paul DURAFFOUR, Marie-Claude VAILLANT-COUTURIER), un Comité National de l'Hospitalisation Publique se constitua d'abord à l'Hôpital Broussais, puis transféra son siège définitif au 23, rue du Louvre, dans les locaux de la Fédération Nationale C.G.C. des médecins salariés, contractuels et fonctionnaires.
Après un premier colloque tenu les 6 et 7 juin 1964, et un second réuni les 6 et 7 novembre 1965, suivi de nombreuses manifestations tant à Paris qu'en province, les premiers Etats Généraux de l'hospitalisation publique se déroulèrent le 15 janvier 1967. Cette initiative privée soutenue officiellement par les quatre prix NOBEL français (André LWOFF, François JACOB, Jacques MONOD, et Alfred KASTLER) avait pour but de mobiliser sur une grande échelle, et pour la première fois, l'opinion publique et les décideurs en faveur de l'hôpital public qui, en cinquante ans avait pris un certain retard que le ministre de l'époque, Jean Marcel JEANNENEY, a pleinement reconnu à la tribune de l'Assemblée Nationale le 29 avril 1966.
 
30 janvier 1987 : Solidarité Médicale
Fort du succès remporté par son premier Congrès du 8 janvier 1982 et sa Journée d'action du 3 mars 1982, le mouvement "Solidarité Médicale" lancé par Bernard DEBRÉ avait eu l'intention de créer des Etats Généraux après une intense préparation médiatique. Cette première réunion se solda par un échec complet. Elle se poursuivit néanmoins par la création le samedi 5 février 1983 d'une INTERSYNDICALE réunissant, dès le 12 février 1983, un certain nombre de syndicats de médecins hospitaliers. Cette organisation qui fut longtemps dirigée par Francis PEIGNé exerça une influence certaine sur le déroulement des réformes en cours.
 
1987 : la Sécurité Sociale
En 1987, pendant la première cohabitation, Jacques CHIRAC, alors Premier Ministre, et son Ministre des Affaires Sociales Philippe SEGUIN organisèrent en quatre mois (Juin - Octobre 1987) les Etats Généraux de la Sécurité Sociale (la célèbre baleine) consacrée principalement à la croissance des dépenses de l'Assurance-maladie. Le travail organisé par Jean MARMOT alors Secrétaire Général et les débats menés par Jean Pierre ELKABACH des deux séances de clôture laissèrent les nombreux participants sur leur faim. Les propositions avaient peu de chances d'être retenues dans un délai aussi court avant le changement de majorité survenu quelques mois plus tard.
 
1998 : la Santé
C'est pourquoi, lorsque le gouvernement JOSPIN annonça dès le 13 mai 1998 la tenue des Etats Généraux de la Santé, cette fois l'incrédulité et le scepticisme des professionnels contrastèrent avec l'attente d'une population de plus en plus sensibilisée aux nombreux aspects de la protection sociale et en particulier à la qualité des soins.
Disposant de la durée, le gouvernement prit le temps nécessaire et se donna les moyens d'organiser, sous différentes formes (débats, forums-citoyens, questionnaires, etc), plus de 1.000 manifestations dans 180 villes différentes, avec la participation de plus de 200.000 personnes isolées ou groupées en Associations intéressées par les nombreux thèmes abordés de septembre 1988 à juin 1999.
La séance de synthèse s'est tenue à la Maison de la Chimie devant une salle archi-comble sous la présidence de 3 ministres dont le Premier !
Il est impossible de résumer tous les travaux conduits selon 5 axes (la prévention, l'organisation des soins, la sécurité sanitaire, l'égal accès aux soins et la garantie de la perennité de l'Assurance-maladie, et sur 15 grands thèmes nationaux (de la naissance à la vieillesse, la santé et le travail, la drogue, la santé mentale, les soins palliatifs, l'hôpital et la ville, le progrès médical, les droits des usagers, l'impératif de qualité des soins, etc…)
En donnant largement la parole aux usagers qui ne seront plus des "patients" mais des "personnes malades", la relation "médecin-malade" devient celle du "soignant-soigné", dans une véritable "démocratie sanitaire" où "la médecine ne doit plus appartenir aux seuls médecins"…
A travers ce nouveau vocabulaire, on perçoit l'importance du changement qui s'est opéré depuis les premiers Etats-Généraux par l'ardent désir de la population jusqu'ici silencieuse qui entend être désormais convenablement informée et devenir un interlocuteur actif et conscient de ses droits dans l'esprit du consumérisme ambiant.
Déjà, les circulaires sur l'humanisation des hôpitaux (Bernard CHENOT en 1960, Michel PONIATOWSKI en 1973 pour ne citer que les deux premières) s'étaient efforcées, sans grand succès il est vrai, d'attirer l'attention des hospitaliers sur les égards dus aux malades soignés à l'hôpital public. Or les reproches signalés par les participants aux Etats Généraux s'adressaient indifféremment aux hospitaliers et aux praticiens de ville. Il n'est pas inutile de rappeler que la généralisation du plein-temps instituée par la Réforme DEBRÉ a progressivement éloigné les hospitalo-universitaires de leurs élèves, futurs généralistes de ville que certains enseignants n'ont même jamais exercée…!
Comme le rapport du Conseiller MAC-ALEESE l'avait souligné dès 1980, "les malades veulent savoir". Ils auront désormais accès à leur dossier…
Les malades souhaitent être mieux orientés et informés par leur médecin de famille, promu bientôt spécialiste et invité à devenir "généraliste référent'"
Une nouvelle réforme des études médicales est envisagée aux prix d'un allongement de la durée de la formation qui pourrait atteindre 8 et même 9 ans…! Faut-il rappeler les propos d'André WYNEN devant la Fédération Européenne de Formation Continue (BAD-NAUHEIM, RFA, 1986) selon lesquels, avant même de soutenir sa thèse, le bagage universitaire de l'étudiant en médecine est déjà périmé en moins de 5 ans ?
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En donnant pour la première fois "la parole aux citoyens", les Etats Généraux de la Santé de 1999 ont révélé "le recul du pouvoir médical", désormais limité à sa seule technicité, l'importance du travail en réseau des équipes soignantes, la nécessité d'une évaluation périodique de leurs activités et des structures qu'elles utilisent, la prise en compte des demandes des malades et de leurs familles, enfin le rôle croissant de l'opinion publique et des médias.
A l'aube du XXIème siècle, la santé est devenue l'une des priorités, peut-être la première, de tout gouvernement.
Elle devrait pouvoir se traduire dans une série de réformes structurelles inaugurées par les Ordonnances JUPPE d'avril 1996, prolongées par le plan JOHANET de mars 1999 et jalonnées par les choix budgétaires d'accompagnement. On observe que le Plan JUPPE tant décrié à l'époque a été appliqué depuis 10 ans dans ses principes généraux par tous les gouvernements successifs quels que soient leurs orientations politiques…!
Malheureusement, cette frénésie de réformes est essentiellement fondée sur l'obsession du financement de l'Assurance maladie et de son déficit chronique et progressif en dépit des nombreux palliatifs proposés.
Les principes fondateurs du système de protection sociale issu de la Libération en 1945 ne sont plus adaptés aux transformations profondes et rapides de notre société.
Les réalités économiques s'imposeront aux conceptions socio-idéologiques généreuses du début du siècle mais dépassées par le phénomène de la "mondialisation" induit par de nombreux progrès techniques contemporains de l'informatique depuis les années 1970.