Le mouvement associatif s'est largement répandu dans le monde contemporain. D'innombrables organisations rassemblent un certain nombre de citoyens sur les sujets et dans les domaines les plus divers : éducation (associations de parents d'élèves), transports (prévention routière), histoire (défense du patrimoine architectural), sociologie (immigration), recherche (maladies « orphelines »), agriculture (sélection et promotion de certaines cultures), etc...
La médecine, restée très longtemps drapée dans ses mystères, a toujours fasciné les populations. Le XXème siècle et la vulgarisation scientifique ont, tout naturellement, polarisé la curiosité, et les préoccupations personnelles ou familiales des individus.
Depuis une bonne trentaine d'années, peut-être plus, on a progressivement assisté à la création de groupements de malades. Ce phénomène semble apparu parmi les victimes de l'alcool et de la drogue. Ce sont à l'origine des patients guéris qui ont cherché à faire profiter de leur expérience des malades en cours de désintoxication, à l'invitation d'ailleurs de leurs médecins, pour prolonger les effets bénéfiques du traitement et pour éviter les rechutes si fréquentes dans ce milieu.
Ces associations d'entraide ont progressivement attiré un public élargi soucieux de participer aux progrès scientifiques et à l'amélioration de la distribution des soins médicaux ou para-médicaux.
A l'occasion d'une expérience personnelle ou familiale, certaines associations se sont spécialisées sur une pathologie particulière (les myopathies, la muco-viscidose, le diabète de l'enfant, la sclérose en plaques p.ex.), acquérant de ce fait une compétence technique comparable à celle du corps médical.
D'autres se sont efforcées de recueillir des fonds pour aider la recherche ou pour créer des structures appropriés en utilisant tous les moyens disponibles et notamment les médias passés maîtres dans l'appel à la charité en faisant jouer la corde toujours sensible de l'émotion (Téléthon).
L'affaire du sang contaminé et ses suites judiciaires ont ajouté un élément revendicatif à l'idée originelle du secours moral et matériel à apporter aux victimes.
D'une façon générale, ces associations de malades ont acquis progressivement une compétence scientifique de leur objet, et ont introduit une composante sociale dans la maladie et son traitement. Elles exercent une certaine pression sur l'ensemble des acteurs de santé, orientant et stimulant leurs recherches.
Sous l'influence des médias telles que les excellentes émissions télévisées d'Igor BARRERE et d'Etienne LALOU  voir le passage qui leur est consacré dans le chapitre sur les médias. , la médecine est devenue un secteur d'activité d'intérêt général induisant une augmentation irrésistible de la consommation de soins et par conséquent des dépenses de santé. Mais, parallèlement, une large partie de l'opinion des "consommateurs" de soins médicaux entend désormais s'immiscer dans toutes les instances décisionnelles situées en amont ou en aval des soins.
Ainsi, ces associations s'offrent tout naturellement à apporter aux pouvoirs publics leur concours technique et même financier lorsqu'elles le peuvent. Dans l'ambiance actuelle d'une "démocratie participative", on envisage d'associer officiellement ces associations à un certain nombre d'échelons consultatifs et même décisionnels reconnaissant ainsi pleinement les droits des "usagers".
Se pose alors le problème du choix des associations et par conséquent de leur représentativité réelle, pour les inviter à siéger dans les instances où elles revendiquent leur place. L'agrément des représentants de ces associations de profanes de surcroît toujours bénévoles dans des assemblées officielles de professionnels ne peut être réglée qu'au cas par cas, à partir de critères qui restent à définir.
Les risques du mélange des genres
Certes, l'avis des représentants des usagers de l'hôpital p. ex. peut être bénéfique en apportant un éclairage nouveau et même en servant d'aiguillon dans les différents domaines étudiés. Mais le risque de dérive démagogique ou même politicienne n'est pas nul.
On assiste en effet à une véritable professionnalisation des associations qui sont parfaitement documentées par les médias sur des sujets aussi spécifiques que les infections nosocomiales, les risques anesthésiques, les toxicomanies, l'hospitalisation à domicile, l'avortement ou l'accompagnement médical de la fin de la vie. Ces sujets sont à la fois techniques, sociaux et moraux : ils relèvent de la compétence simultanée des professionnels et des profanes représentés dans ces associations.
Les Etats généraux de la santé ont bien montré l'intérêt croissant de la population pour tout ce qui concerne l'organisation des soins d'autant plus que l'attitude toujours réservée du corps médical n'a pas répondu spontanément aux innombrables questions qui lui étaient adressées.
La présence des représentants des malades dans les instances de décision peut inciter le corps médical à se montrer plus accessible que par le passé. Mais on peut craindre une certaine immixtion dans la conduite des traitements ou même dans la gestion d'un établissement.
Le consumérisme ambiant a transformé au fil des années les rapports entre les professionnels et les usagers qui auraient tendance à se comporter non plus comme des patients, mais comme des consommateurs, voire comme des clients.
Le malade serait-il devenu, dans l'air du temps, un citoyen en train de conquérir un nouveau droit ?