Ce chapitre est un des plus douloureux et des plus controversés de l'histoire de la médecine française du siècle écouléLes Cahiers de Chirurgie ont consacré à ce sujet un certain nombre d'articles : n°7, 3ème T/1973, p.54-77, n°20 - 4ème T/1976, p.34; n°21, 1er T./1977, p.47-48; n°33, 1er T/1980, p.51-52; n°40, 4èmeT/1981, p.82; n°44, 4ème T./ 1982, p.99; n°50, 2èmeT/1984, p.51-52, 98, 110; n°51, 3ème T/1984, p.62; n°55-3/1985, p.52; n°58, 2ème T/1986, p.75; n°60, 4T/1986, p.69; n°61, 1er T/1987, p.55; n°62, 2ème T/1987, p.111; n°64, 4ème T/1987, p.51. .
Après la terrible saignée de la Grande Guerre qui a privé le pays d'environ 1.600.000 hommes On a compté jusqu'à 3.600.000 blessés.et invalides en âge de procréer, la Chambre "bleu-horizon" avait voté en 1920 une loi assimilant l'avortement en quelque sorte à un crime contre la patrie et punissant ses auteurs de lourdes sanctions.
J'ai gardé le souvenir du châtiment suprême infligé 20 ans plus tard, le 30 juillet 1943 sous le régime de VICHY, à une "faiseuse d'anges" Marie Louise GIRAUD, comme on disait alors. A l'époque, les journaux s'étaient montrés discrets. Un film récent a retracé l'histoire de cette mère de famille qui fut la dernière guillotinée.
Les moeurs ont considérablement évolué, surtout après la seconde Guerre Mondiale de 39-45 qui avait retenu loin de leurs foyers encore un autre million de prisonniers.
Les événements de mai 1968 ont profondément ébranlé les structures d'une société en pleine expansion économique et une jeunesse séduite par les idées nouvelles lui offrant des perspectives joyeuses de facilité et de réussite assurée.
Des mouvements dits de libération de la femme se sont constitués, véritables groupes de pression avec pétitions, défilés, publication de manifestes aboutissant au fameux procès de BOBIGNY. Influencée par l'évolution rapide de l'opinion publique, la classe politique adopta successivement la loi NEUWIRTH en 1967 (légalisation de l'usage du stérilet et de la contraception) puis en janvier 1975, sous le septennat suivant, la loi VEIL.
On observera au passage que ce sont les mêmes qui militent à la fois en faveur de l'avortement, c'est à dire la mise à mort préméditée du foetus innocent, et en faveur de l'abolition de la peine de mort d'un assassin condamné par la justice. Mme le Dr ESCOFFIER-LAMBIOTTE a estimé d'un côté que la loi sur l'IVG "est une loi bénéfique pour la santé publique" (Le Monde 21 novembre 1979, p.17) et de l'autre "que le fait qu'une minorité importante (près de 40%) de médecins soient favorables au maintien de la peine de mort... ne suffit pas à sauver l'honneur de ceux que l'on croyait dédiés, et dédiés sans réserve, à l'oeuvre de vie (Le Monde, 4 avril 1981, page 14).
Il est bien difficile de concilier en bonne logique deux attitudes diamétralement opposées, en dépit des contorsions idéologiques qui tentent de les justifier.
L'opinion du Collège des Chirurgiens
Tout avait commencé par le projet de loi laborieusement élaboré en mai et présenté au Conseil des Ministres du 6 Juin 1973 dont on allait bientôt connaître le contenu définitif, sachant qu'il concernerait directement l'ensemble du corps médical.
Le Collège National des Chirurgiens Français souhaitait essentiellement que chacun puisse demeurer libre de sa décision, n'écoutant que la voix de sa conscience, selon l'éthique médicale traditionnelle qui rejoint la morale universelle. En un mot, le Collège voulait impérativement voir figurer dans le texte cette fameuse clause permettant au chirurgien, plus souvent confronté que d'autres spécialistes à l'avortement, compliqué ou non, de se comporter en toutes circonstances, humainement, techniquement et moralement, selon ses convictions personnelles.
En pratique libérale comme en pratique hospitalière où le curettage évacuateur est juridiquement et administrativement admis en chirurgie lorsque l'interruption de la grossesse survient avant le 6ème mois, la fausse-couche est familière au chirurgien.
Il en connaît les pièges lorsqu'il faut la distinguer de la sournoise grossesse extra-utérine par exemple. Il en connaît les graves complications et la septicémie post-abortum est à juste titre redoutée. Il en connaît enfin toutes les conséquences, individuelles, familiales, économiques ou sociales dont certaines sont dramatiques : qui ne connaît la cruelle stérilité post-abortum ?
Le chirurgien sait aussi par expérience que souvent telle grossesse, exécrée au 3ème mois, subie au 5ème, acceptée avec résignation du 5ème au 8ème mois, se transforme en source de joie dès le premier cri !
Le chirurgien reçoit spontanément plus de confidences ou d'aveux que les renseignements nécessaires au diagnostic ou au traitement. Il soigne la patiente obéissant ainsi à son devoir de médecin.
Son expérience lui montre que la femme dont l'avortement a été volontaire semble très souvent avoir mauvaise conscience. Elle cherche parfois à se justifier et même à mentir. Sauf exception, elle se lie peu à ses voisines de lit et à peine rétablie, elle demande à sortir.
L'attitude des infirmières à l'égard des avortées révèle une gêne imperceptible, parfois un certain mépris ou une sorte de pitié.
L'avortée manifeste parfois une certaine curiosité sur sa grossesse :
  • C'était de combien de mois, demande-t-elle parfois ?
  • Etait-ce un garçon ? et chacun a pu remarquer la déception de la femme ou même des panseuses et des anesthésistes dans ce cas !
Sauf le sentiment de soulagement de l'avortée, nous n'avons jamais observé au terme d'une longue carrière le moindre encouragement ni la moindre satisfaction. Presque toujours, une sorte de tristesse, teintée parfois de remords.
L'analyse du texte
Ce qui suit est repris des Cahiers de ChirurgieN° 7, 2ème année, 3ème trimestre, p.54 à 77   qui ont consacré 23 pages à ce sujet particulièrement sensible.
Partant du triple principe que l'avortement est
  • techniquement : un acte médical
  • socialement : un acte extra-médical
  • moralement : un acte anti-médical,
le Collège National des Chirurgiens Français s'est livré à une analyse approfondie du texte qui charge le corps médical d'une lourde responsabilité sur le plan de la décision et l'investit d'un rôle contraire à son éthique sur le plan de son exécution.
Tout d'abord, le libellé de la loi comporte une impropriété de terme, elle-même révélatrice d'une hypocrisie sémantique destinée à camoufler la portée et atténuer la gravité de son objet :
L'IVG est bien un acte définitif et délibéré
Dans le cas de la grossesse, l'interruption est à la fois "volontaire" (elle n'est pas accidentelle), elle est délibérée, et surtout elle est "définitive". Il est en effet impossible de poursuivre la grossesse sauf dans le cas où le geste demandé à "l'opérateur" n'a pas été effectué, quelle qu'en soit la raison.
Il s'agit donc bien d'un "avortement" enrobé derrière les fameuses initiales (I.V.G.) apparemment neutres, mais permettant de banaliser le geste et d'en minorer la portée réelle.
La loi VEIL "relative à l'interruption volontaire de grossesse".
Dès son intitulé, on devine que le législateur a cherché à atténuer l'effet négatif et irréversible du mot "avortement". Il a choisi une formule adoucie par le mot "interruption" mais qui se révèle fallacieuse. En effet, "interruption" signifie littéralement "suspension momentanée" On peut en effet interrompre une conversation, un voyage, une lecture et reprendre la conversation, le voyage ou la lecture. Avec l'IVG Pour la génération qui a commencé à exercer entre 1945 et 1950, le terme d'IVG désignait une pathologie cardiaque grave : "Insuffisance ventriculaire gauche". Le sigle actuel est devenu une nouvelle lettre-clé privilégiée qui a bénéficié dès 1984, sans négociations tarifaire, de la plus forte augmentation (7%) alors que les instructions de M. Jacques DELORS, ministre de l'Economie, des Finances et du Budget du gouvernement MAUROY limitaient à +5% toute augmentation en vertu du plan de rigueur. , abréviation passée dans le langage courant, l'acte soi-disant "interrompu" est bien définitif et la grossesse définitivement supprimée. Selon Pierre CHAUNU "on n'a pas interrompu une grossesse mais on a anéanti une vie"Le FIGARO 10 juillet 1987
Cette loi, faut-il le rappeler, fut adoptée, à titre expérimental pour cinq ans, pour la femme enceinte que son état plaçait dans une situation de détresse. Elle ne devait pouvoir recourir à l'avortement qu'à titre exceptionnel.
Cette loi devait en principe sortir l'avortement de la clandestinité et protéger les femmes des complications parfois mortelles auxquelles elles étaient exposées. Etant externe dans le service METIVET au pavillon Dolbeau de l'hôpital Tenon en 1942, j'ai en effet gardé le souvenir, à quelques semaines d'intervalle et probablement de la même source d'infection, de deux cas mortels de septicémie à perfringens. Je n'ai jamais oublié leur teint cuivré, leur souffrance et la lucidité de ces deux malheureuses pour lesquelles, à l'époque, on ne pouvait plus rien.
D'autres au contraire, habituées et aguerries, venaient « se faire cureter » périodiquement, intervention subie avec courage car elle était presque toujours pratiquée sans anesthésie...!
Cette loi avait également pour objet d'éviter à de nombreuses femmes enceintes d'aller se faire avorter à l'étranger (Grande Bretagne, Hollande, Suisse, où la législation était plus permissive) avec tous les risques de complications et les frais importants (non remboursés) de ces déplacements.
"The Silent Scream"
"Le cri silencieux" est le titre d'un film d'amateur en noir et blanc d'une durée de 28 minutes qui a bouleversé le monde civilisé en visualisant les étapes d'un avortement et en apportant ainsi les arguments les plus convaincants contre l'assassinat programmé d'un être humain en pleine santé.
Réalisé au Saint-LUKE'S Hospital de New-York par le Dr Bernard NATHANSON, gynécologue de 58 ans, ce film présenté au Congrès des Etats-Unis, à la Cour Suprême, au Parlement britannique, au Conseil de l'Europe, diffusé sur 3 chaînes de télévision aux USA, a été projeté à Paris pour la première fois le 24 avril 1985 à l'Assemblée Nationale, à l'initiative de l'AMADE AMADE (Association Mondiale des Amis de l'Enfance), 8, Bd. de la Madeleine PARIS 75008 PARIS a été fondée par la Princesse Grâce de Monaco, les Associations familiales catholiques et SOS futures mères. . Le Professeur Jérôme LEJEUNE en assurait la traduction. Depuis, ce court métrage a été projeté à la Salle Chaillot-Galliera à plusieurs reprises devant des salles combles.
Ce film n'est qu'un simple scientifique qui montre, en temps réel, toutes les phases d'un avortement sur un foetus de douze semaines, grâce à un enregistrement échographique continu par procédé linéaire. On peut ainsi suivre en direct toutes les phases de l'assassinat.
Suçant tranquillement son pouce, le foetus dont le coeur bat à 140 pulsations/minutes, flotte dans le liquide amniotique, ignorant le danger mortel qui le guette sous la forme d'une canule qui force l'orifice du col utérin et va bientôt atteindre son univers clos.
Le foetus semble alors réaliser le drame dont il va être victime : il s'agite en tous sens, se débat, esquive l'instrument, se réfugie dans la partie du sac ovulaire la plus éloignée, se colle contre la paroi utérine opposée, s'efforce maladroitement de se protéger. Son pouls monte à 200 comme s'il éprouvait une intense émotion. Saisi malgré ses efforts désespérés, aspiré vivant, membres inférieurs arrachés, il ouvre la bouche dans un effort ultime comme pour pousser un cri qui restera éternellement silencieux (d'où le titre du film). La tête dernière sera broyées par une pince et extraite.
La puissance évocatrice de ce film d'horreur tient précisément dans la révélation brutale - et sans autres commentaires que techniques- d'un acte criminel qui était, jusqu'ici perpétré dans le secret de l'utérus. Les images apportent la preuve irréfutable que la vie a bien débuté dès la rencontre et la fusion des deux gamètes mâle et femelle. Elle balaye définitivement les arguments de ceux qui s'interrogeaient sur la date à retenir pour fixer le moment où le foetus pouvait être considéré comme un être vivant au plein sens du terme.
Ce que les biologistes avaient démontré était désormais magistralement révélé à ceux qui pour des raisons diverses ignoraient ou voulaient ignorer, la vérité à la fois scientifique et philosophique de la transmission de la vie humaine.
Il convient de rappeler l'honnêteté intellectuelle de l'auteur du film qui, après avoir été un des fondateurs de la ligue pour le droit à l'avortement, en avoir effectué lui-même plus de cinq mille, après avoir dirigé une de ces nombreuses cliniques de la mort où 35 médecins et 85 infirmières ont pratiqué 70.000 avortements au rythme de 120 par jour, s'est rallié au Mouvement "Pro Life" (pour la Vie), a démissionné de ses fonctions de Directeur de cet « avortoir » pour se consacrer à des recherches sur le foetus humain.
Le Dr B. NATHANSON a précisé qu'avec 1 million à 1 million et demi d'avortements par an aux USA, s'est crée une véritable industrie dont le chiffre d'affaires est évalué à 1 milliard de dollars par an qui serait en partie contrôlé par la Maffia.
L'attitude du corps médical
L'article des Cahiers de Chirurgie N° 7, 2ème année, 3ème trimestre, p.54 à 77 s'est efforcé de recueillir les opinions des partisans et des adversaires de l'avortement. Un certain nombre d'expressions provenant de différents milieux ont été relevés, les principaux responsables des courants de pensée philosophiques et religieux, les professionnels et en particulier les infirmières, ont été évoqués. Plusieurs avis chirurgicaux particulièrement autorisés ont été rapportés en raison de la notoriété de leurs auteurs
Pour le Professeur Lucien LEGER (Conseil National de l'Ordre) : "Une pente savonneuse : l'avortement aujourd'hui, demain l'infanticide, l'euthanasie et le gérontocide".
Pour le Professeur Robert de VERNEJOUL ( Conseil National de l'Ordre) : " L'avortement est un crime contre la civilisation. La femme enceinte n'est plus libre de son corps, car elle porte en elle un être vivant qu'elle nourrit de son sang".
Pour Maurice LUZUY (Conseil National de l'Ordre) : "Y aura-t-il en France des médecins qui accepteront de servir dans ce qu'il faudra bien appeler des avortoirs ?"
Le Professeur Robert Merle d'AUBIGNE : "L'arrêt de la Cour de LIEGE "Une mère assassine son enfant. Un médecin lui en fournit les moyens. Douze jurés se parjurent en niant un crime avoué par ses auteurs. La foule que l'émotion suspendait à ce drame, va-t-elle par le silence et le respect qui salue les grands malheurs, exprimer sa compassion à ceux qu'un meurtre seul avait pu libérer de leur angoisse ? Non. Après avoir, par des manifestations excessives, exprimé une passion qui a sans doute influencé les jurés dans leur conscience, elle éclate de joie dans une "soirée de kermesse".(Le Monde 14 nov. 1962) crée un précédent terrifiant et monstrueux".
On peut soutenir que la loi adoptée en janvier 1975 a profondément "interpellé" le corps médical de cette époque avec des répercussions morales et professionnelles échelonnées sur plusieurs générations. Elles sont encore perceptibles au début du XXI ème siècle, et font partie intégrante des nombreuses transformations de la Société.
Dans sa grande majorité, le corps médical s'est montré réservé, voire hostile à la loi VEIL qu'il considérait comme contraire au serment d'Hippocrate, aux principes déontologiques et au respect de la vie, sous toutes ses formes. Il suffit de se reporter à toute la littérature que cet acte légalisé a induite et au souvenir poignant laissé par le film "Le cri silencieux" rappelé ci-dessus, pour comprendre la répugnance des médecins de ma génération à le pratiquer.
Seule, une petite minorité de médecins, souvent jeunes et parfois engagés ou sympathisants de partis politiques dits progressistes ont milité activement en faveur de la nouvelle loi. Ils soutenaient qu'avant un délai très variable, de 12 semaines à 6 mois, le foetus « n'est qu'un amas de cellules en voie de prolifération et, tant qu'il n'est pas viable, il n'y a donc aucun inconvénient, ni physique ni moral, à le supprimer ! »"
Le Président de l'Ordre National des Médecins, le Professeur Jean Louis LORTAT-JACOB adressa, avant le vote de la loi, une lettre à chaque parlementaire pour rappeler les fondements de l'éthique médicale qui avaient traversé les siècles et les mettre en garde contre la dérive dangereuse vers l'euthanasie..., crainte qui s'est révélée fondée quelques années plus tard. Voir le chapitre suivant sur l'euthanasie à l'occasion du procès intenté par Jacques ATTALI contre PROFILS
Lortat JacobCette lettre eut un grand retentissement, non contre le projet de loi dont le principe était pratiquement acquis par l'opinion, mais contre l'Ordre lui-même puisqu'une campagne virulente pour sa suppression fut déclenchée par d'anciens "soixante-huitards" contre son Président dont la signature symbolisait à leurs yeux, la forme achevée d'un mandarinat tant décrié.Sans avoir eu l'honneur d'être son élève, j'ai bien connu le Pr J.L. LORTAT JACOB et je peux affirmer que ce reproche formulé par la jalousie ne reposait que sur sa prestance, son aura professionnelle et l'admiration respectueuse que nous lui portions tous.
La loi VEIL ayant heureusement prévu la clause de conscience à notre instigation, le corps médical se partagea aussitôt en deux groupes: le plus nombreux refusant d'effectuer un acte qu'il considérait comme un crime d'autant plus abject qu'il était commis délibérément par un médecin thésé chargé par son éthique et son serment de protéger la vie, celle d'un être sans défense de surcroît. Cette attitude de refus a longtemps contribué à considérer le corps médical comme conservateur, voire asocial...
Le second groupe était le plus souvent constitué par des militantsLeur principal argument résidait dans le droit de la femme de décider elle-même de son avenir et de celui de son enfant. et beaucoup plus rarement par des praticiens attirés par la rémunération d'ailleurs modeste. Cette situation conduisit un certain nombre d'hôpitaux à recruter spécialement pour cette tâche des vacataires, les autres membres du personnel médical ayant généralement fait jouer leur clause de conscience au grand dam d'une administration placée dans l'incapacité de faire appliquer la loi.
Dans les deux cas, l'influence des idéologies politiques, des traditions religieuses ou culturelles ont été déterminantes dans les choix de chaque médecin. Certains de ceux qui avaient accepté, par conviction personnelle ou par nécessité économique en début de carrière, d'effectuer des avortements, ont subi l'opprobre de leurs confrères et de leur clientèle. J'en ai connu trois qui ont du changer de lieu d'exercice. L'un d'eux, rongé par le remords, a abandonné la médecine et pris une autre activité.
Rappelons que cette répugnance de l'avortement était également partagée par un certain nombre d'infirmières et de panseuses, appelées à participer, parfois contre leur gré, à cet acte qui est techniquement médical, socialement extra-médical et moralement anti-médical, comme nous l'avons rappelé plus haut.
Les résultats
En dépit des efforts des différents centres de planning familial en matière d'information sexuelle, de régulation des naissances et d'éducation familiale ou des aides et encouragements à utiliser la loi, le nombre des avortements comptabilisés a été évalué les premières années à 130./ 160.000 par an. Actuellement le nombre moyen officiel se situe autour de 220.000 par anL'assurance maladie se montre très discrète sur les montants pris en charge. Dans ce décompte, ne sont pas compris les avortements encore effectués à l'étranger, soit parce que la date limite pourtant portée à 12 semaines a été dépassée, soit parce que l'acte est resté clandestin souvent à la demande de la parturiente elle-même.
Sur la base du chiffre volontairementf sous-estimé entre 200.000 et 220.000 avortements par anChiffre stabilisé, mais relativement plus élevé en Ile de France par rapport à la moyenne nationale (source ORS Ile de France Septembre 2001) on évalue au bout de 25 ans (1975-2000) entre 5 millions et 5.500.000, le nombre de vies humaines supprimées....!
Les étapes successives
Prévue pour 5 ans, la loi VEIL a été pérennisée par la loi PELLETIER du 31 décembre 1979 ajoutant toutefois à la précédente "l'obligation de dispenser à la candidate à l'IVG des informations dissuasives en vue notamment de permettre à celle-ci de garder son enfant" Cette partie est largement empruntée à des Réflexions sur la loi du 4 juillet 2001 publiées par Me Rosny Minvielle de Guilhem de LATAILLADE sous le titre "vers une banalisation de l'assassinat de l'enfant dans le sein de sa mère" et parues dans la Lettre (Juin - Juillet 2001) du Comité pour sauver l'enfant à naître et dans Choisir la vie n° 48, Sept. Oct.2001, p. 7/9 . Cette disposition était "fondamentale" car elle reconnaissait le statut d'enfant et donc de personne à celui qui était depuis moins de 10 semaines dans le sein de sa mère.On verra ce que la Cour de Cassation retiendra de cette disposition à la suite des arrêts PERRUCHE et l'affaire de Bordeaux Pour le Dr. E TREMBLAY, "ces Arrêts ne donnent pas une indemnité pour aider un handicapé. Ils la donnent pour le dédommager de n'avoir pas été tué !". (in la lettre de l'USMRV et de l'USPSRV n° 62, Novembre 2001). Cette dérive est d'autant plus inquiétante que les droits de l'enfant sont reconnus dans la Charte...
La loi ROUDY du 31 décembre 1982 favorisa l'avortement par son remboursement par la Sécurité sociale comme s'il s'agissait d'un acte médical justifié par une pathologie, ce qui est manifestement un détournement des objectifs de l'Assurance-Maladie.Loi n° 82-1172 du 31 décembre 1982 (J.O. du 1 er janvier 1983). Son article 5 stipule qu l'Etat rembourse aux organismes de Sécurité Sociale les dépenses qu'ils supportent au titre de la part garantie des frais exposés par les Assurés sociaux à l'occasion des IVG dans les limites fixées chaque année par les lois de Finances.
Après le DMOS du 27 janv.1993 qui a institué le délit d'empêchement d'IVG par perturbation de l'accès aux établissements ou par l'exercice de menaces ou d'actes d'intimidation, un pas de plus a été franchi par la loi AUBRY du 4 juillet 2001 en accordant deux semaines supplémentaires, en supprimant l'autorité parentale et le caractère obligatoire (sauf pour les mineures) de l'entretien, en supprimant tout quota d'IVG ainsi que toute clause de conscience pour les chefs de service hospitaliers. Enfin, l'art.27 de la loi organise la stérilisation des malades mentaux sur simple décision du juge des tutelles.
Finalement, depuis la loi VEIL où l'avortement ne devait être que l'ultime recours pour la femme en détresse, les lois successives ont transformé l'avortement en un simple geste de confort ou comme un moyen contraceptif comme un autre, et ouvertement encouragé par certains groupes de pression qui influencent l'opinion publique et à travers elle, le législateur lui-même.
Selon Me Rosny Minvielle de Guilhem de LATAILLADE, "sous l'apparence de dispositions techniques, cette loicelle du 4 juillet 2001 procède d'une philosophie qui reconnaît délibérément le droit de tuer l'enfant à naître et écarte toutes dispositions propres à assurer son sauvetage.".... "Cette loi banalise l'assassinat de l'enfant dans le sein de sa mère"... "Elle constitue un très grave recul de la civilisation en France en ce début du XXI ème siècle".
Et si leurs mères les avaient pris au mot ?
Telle est la réplique pleine de malice et de bon sens que l'un de nous a lancée au cours d'une de ces nombreuses réunions tumultueuses tenues par les propagandistes de l'avortement libre et gratuit.
Ont-ils seulement réfléchi que leur propre naissance n'a pas toujours été souhaitée et que leur propre mère a du parfois surmonter sa déception – toute passagère – devant les premiers symptômes d'une grossesse inopinée ou intempestive ?
Et pourtant, ces mères ont accompli leur devoir jusqu'au bout entourant de soins et d'affection l'enfant qu'elles étaient finalement heureuses de mettre au monde.
Si ces mères s'étaient comportées comme l'exigent les farouches défenseurs de la liberté de la femme, nombre d'entre eux seraient absents aujourd'hui... et laisseraient les autres en paix.
Détestent-ils à ce point leur mère de leur avoir désobéi ?
Le rapprochement entre la SHOAH et le génocide des foetus
La projection en France du film "SHOAH" (TF1 29-30 Juin et 1er et 2 juillet 1987) a révélé au public un des plus grands drames de l'histoire contemporaine. Cette extermination systématique et quasi-industrielle de millions de Juifs et de Tziganes au nom d'une idéologie barbare et perverse a soulevé l'indignation du monde civilisé. Le génocide généralisé de populations entières, femmes et enfants compris, a révolté à juste titre toutes les consciences et chez certains même, établi un certain rapprochement avec l'avortement qui s'accomplit sous nos yeux à l'abri de la loi, au nom d'une liberté individuelle inspirée souvent par des convenances personnelles.
Ce rapprochement entre ces deux événements de nature très différente peut certes heurter certaines consciences. Mais sur le plan biologique ou moral, quelle distinction peut-on établir entre les enfants d'IZIEUX (pièce maîtresse du procès BARBIE) dont le plus jeune avait cinq ans et l'embryon ou le foetus qu'on décide de supprimer purement et simplement sous le couvert d'un texte législatif et d'un tarif opposable ?
Quelle différence existe-t-il entre l'inconscience des petites victimes délibérément sacrifiées qui, dans un cas inspire la pitié et la vengeance et dans l'autre, n'appelle qu'un soupir de soulagement chez une mère délivrée de ce qu'elle considère comme un fardeau ?
Une analyse parmi d'autres :
" On a anesthésié le vocabulaire en appelant l'avortement, IVG
" On a légalisé l'acte
" En le remboursant par la Sécurité Sociale, on a conduit l'opinion à considérer la grossesse comme une maladie
" Le foetus est traité objectivement comme une tumeur"
Mgr Albert DECOURTRAY
Cardinal - archevêque de Lyon
Homélie du 1er janvier 1987 (in le Figaro 2 janvier 1987)
Mon opinion
Je suis de ceux de ceux qui considèrent que la vie commence à l'instant précis de la fusion des deux gamètes, mâle et femelle. L'individu existe dès lors dans toutes ses potentialités, physiques et intellectuelles et son développement est induit jusqu'à son achèvement. Le supprimer à n'importe quel stade équivaut donc à un assassinat. Je m'associe par conséquent aux conclusions du Comité National d'Ethique présidé par Jean BERNARD: "l'embryon ou le foetus doivent être reconnus comme une personne humaine qui est ou a été vivante et dont le respect s'impose à tous".
A l'intention de ceux ou celles qui s'interrogent sur le sens profond de la vie, je leur réponds en ma qualité d'arrière grand-père, "c'est de la transmettre tout simplement".
A mon avis, l'avortement est un acte contre nature. Il peut parfois être nécessité pour des raisons médicales précises mettant réellement en danger la vie de la mère et dans ce cas, il peut devenir licite mais alors rigoureusement réglementé.
Dans tous les autres cas, il n'aurait pas fallu légiférer. Après suppression des différentes lois à commencer par celle de 1920, ce sujet aurait du rester du domaine du colloque singulier, c'est à dire la rencontre d'une confiance et d'une conscience, selon la formule sublime de mon Président de thèse, le Professeur Louis PORTE.
Je sais par expérience que les résolutions les plus affirmées peuvent être fortement ébranlées par certains arguments faisant appel à l'instinct maternel qui n'est jamais totalement absent. Chaque cas doit être abordé avec prudence, humanité, psychologie et compassion.
Cette stratégie dissuasive ne devrait en aucun cas comporter le versement d'honoraires au praticien, même pour une simple consultation, quelle que soit sa durée.. Mais quelle récompense morale et quelle joie partagée lorsque l'irréparable a été évité...!
Pour conclure, le lecteur trouvera ci-dessous l'émouvant plaidoyer d'un gynécologue de BERLIN demeuré volontairement anonyme. Ce texte est tiré d'un tract édité par l'Association "Laissez les vivre" (193, Bd de Magenta, 75010 Paris). Il fut reproduit à deux reprises dans les Cahiers de Chirurgie n°33-1/1980, p.51-52 et n°64 - 4/1987, p.51) : 

1er mai. Par amour, mes parents, aujourd'hui, m'ont appelé à la vie

15 mai. Mes premières artères apparaissent et mon corps se forme très rapidement.

19 mai. J'ai déjà une bouche.

21 mai. Mon coeur commence à battre. Qui pourra mettre en doute que je vis ?

22 mai. Je ne sais pas pourquoi maman se fait tant de soucis.

28 mai. Mes bras et mes jambes commencent à croître. Je m'étends et je m'étire.

8 Juin. A mes mains, poussent des petits doigts. Que c'est beau ! Bientôt, je pourrai saisir grâce à eux

16 juin. C'est seulement aujourd'hui que maman a appris que j'étais là. Je m'en suis bien réjoui.

20 juin. Maintenant, c'est sûr, je suis une fille.

24 juin. Tous mes organes se dessinent. Je peux sentir la douleur.

6 juillet. J'ai des cheveux et des sourcils. Ca me rend jolie.

8 juillet. Mes yeux sont finis depuis longtemps, même si mes paupières sont encore fermées. Mais bientôt, je pourrai tout voir : le monde si grand et si beau, et par-dessus tout, ma chère maman qui me porte encore.

19 juillet. Mon coeur bat magnifiquement. Je me sens tellement protégée et je suis si heureuse.

20 juillet. Aujourd'hui, ma maman m'a fait mourir.

 
L'avortement est devenu un enjeu idéologique et politique aux multiples conséquences
Ceux qui militent à la fois pour la généralisation de l'avortement avancent des arguments qui ne résistent pas un seul instant aux preuves irréfutables fournies par l'embryologie, la génétique et la biologie moléculaire.
Ces doctrinaires sont atteints de surdité et de cécité idéologiques.
La liberté sociale n'est que la somme des libertés individuelles acceptées, souhaitées ou exigées par le plus grand nombre. C'est la définition même de la démocratie. Or, que voyons nous ?
La liberté individuelle exige que chacun suive sa voie selon sa morale. Or, l'avortement est devenu à la faveur d'une récente consultation électorale le sujet favori de la presse, de la radio, de la télévision, des organisations politiques, syndicales ou religieuses, bref de ce que l'on appelle l'opinion publique.
Le même phénomène s'était déjà produit lors des élections présidentielles de 1967. L'un des candidats avait lancé l'idée "électoralement géniale" de la "pilule pour tous". Les partis politiques concurrents, pris de court, furent contraints de renchérir et le mouvement d'opinion aboutit à la loi NEUWIRTH.
On est bien obligé de constater que à la faveur du tintamarre électoral du printemps 1973, un nouveau pas a été franchi dans cette escalade vers la "libération de la femme" dans l'allégresse d'une démagogie débridée.
La nouvelle législation sur l'héritage retire toute sécurité à la famille traditionnelle en donnant les mêmes droits aux enfants adultérins qu'aux enfants légitimes.
En se développant dans son cadre universitaire naturel, la révolte de la jeunesse de 1968 s'est attaquée aux structures traditionnelles de l'enseignement en détruisant la structure et son contenu.
A l'occasion d'une modification du régime des sursis d'incorporation pour les étudiants – d'ailleurs réclamée dans un but égalitaire, par les organisations de jeunesse elles-mêmes, c'est la suppression de l'armée de conscription elle-même, voire de l'armée elle-même, qui est recherchée.
En supprimant le célibat des prêtres, c'est finalement celui qui assure la fonction sacerdotale qu'on cherche à affaiblir avant de l'éliminer.
Ainsi, la famille, l"école, l'armée, l'église qui étaient dans le premier quart du XXème siècle les quatre piliers de la société occidentale, sont profondément lézardés dans le dernier quart de ce même siècle.
S'exerçant dans tous les domaines, la contestation généralisée réclame, au nom d'une liberté individuelle érigée en dogme, de moins en moins de travail, de plus en plus de plaisirs sous toutes leurs formes.
L'avortement libre et gratuit semble s'inscrire parfaitement dans ce contexte.
L'avenir nous dira si cette nouvelle société là, ne serait-ce que sur le seul plan démographique, est viable.
Le fœtus devrait avoir un statut juridique
L'opinion publique s'est émue pendant l'été 2005 de la découverte, par hasard, dans les locaux d'un grand hôpital parisien d'une centaine de bocaux contenant des fœtus formolés qui auraient du être réglementairement (?) détruits.
On ignore les raisons de cet oubli ni les causes des décès (avortement ou intérêt scientifique ?)
Dans son livre, le Pr Claude SUREAUSon nom est personne" Pr. Claude SUREAU. Albin Michel éd. 120 p. avait soulevé la question de l'absence de statut juridique du fœtus in utéro. Tant qu'il n'a pas poussé son premier cri, il est toujours considéré comme "une chose", un simple amas de cellules qui, elles, sont vivantes puisqu'on peut les cultiver in vitro et même les greffer ! Mais "le donneur" n'existe légalement pas.
Pour se convaincre de cette absurdité, le Quotidien du Médecin n° 7872 du 9 janvier 2006 rapporte le cas où un traumatisme abdominal sur un utérus gravide ayant entraîné la mort du fœtus ne sera pas reconnue par le droit pénal alors que la mort de l'animal domestique de la maman dans le même accident sera, elle, indemnisée…!
A vouloir nier le début d'une vie in utero dès la réunion des deux gamètes, mâle et femelle, on en arrive à refuser une évidence biologique pour ne pas ruiner le principal argument pseudo-scientifique de la loi VEIL sur l'I.V.G. et à commettre, au nom d'un certain prosélytisme, un acte toujours confusément ressenti comme culpabilisant.
Mais l'arsenal juridique devrait pouvoir sans tarder, combler une lacune aussi illogique qu'anachronique en reconnaissant une bonne fois, toutes les caractéristiques de "l'être prénatal" quel que soit son stade de développement.
Et l'adoption ?
Face à la débauche d'articles sur l'avortement, à la formidable propagande favorable à l'abrogation de la loi de 1920 à laquelle le pouvoir a du céder, nous n'avons pas relevé une ligne sur l'adoption.
Et pourtant, ces deux aspects de la fécondation humaine sont, selon nous, inséparables.
Or, la législation française sur l'adoption est très stricte (loi du 11 juillet 1966 et ses décrets d'application modifiant le code de la famille de 1939).
Nul ne peut adopter un enfant sans offrir les plus sérieuses garanties, morales, familiales au terme d'une longue enquête aboutissant parfois... au rejet de la demande.
Tel est par exemple le cas de la jeune fille célibataire qui, après avoir perdu tout espoir de se marier, voudrait consacrer sa vie à un enfant qu'elle aurait les moyens matériels d'élever et la joie de lui communiquer la chaleur maternelle dont il était privé.
Combien d'enfants abandonnés, combien de femmes seules trouveraient dans un assouplissement de la loi sur l'adoption, un bonheur partagé, jusqu'ici refusé ?
Qu'on parle d'avortement, soit ! Mais que les pouvoirs publics saisissent cette occasion pour se pencher également sur l'adoption, et avec un zèle au moins égal.
Il existe bien une proposition de loi déposée depuis 1987 sur le Bureau de l'Assemblée Nationale par M. Michel de ROSTOLAN, député de l'Essonne, accompagnée de 150 signatures - un record - représentant tous les partis de la majorité de la législature.
Cette proposition tendait à instituer une déclaration prénatale de consentement à l'adoption de la part d'une mère qui, se jugeant dans l'impossibilité d'élever son enfant, lui permettrait de mener sa grossesse à terme et autoriserait par avance un couple (stérile le plus souvent) à adopter cet enfant.
Ainsi, se trouveraient réduits les interminables délais d'adoption et il ne serait plus nécessaire d'aller chercher dans les pays du Tiers Monde, des orphelins pour les adopter en France.
Une conséquence inattendue sur les statistiques de la fécondité
Le nombre des naissances est un indice fiable de la capacité de renouvellement de la population et la France peut se réjouir des 7 à 800.000 naissances anuelles, en augmentation régulière. Mais ce total ne prend pas en compte simultanément le nombre des avortements recencés, qui dépasse en moyenne plus de 200.000 cas par an depuis 1980. Le taux de fécondité est donc ainsi largement sous-estimé. Simple erreur de calcul ou manipulation délibérée ?