Lors d'un entretien avec Gérard ALEXANDRE Chirurgien orthopédiste libéral exclusif (retraité), membre très actif de l'UCCSF. , il est apparu que l'UCCSF se situait, pour un esprit cartésien comme le sien, d'une façon imprécise sur le vaste échiquier syndical des spécialistes, tiraillée entre la médecine salariée hospitalière ou hospitalo-universitaire, la médecine dite libérale de l'hospitalisation privée "commerciale" et les diverses représentations poly-catégorielles organisées ou non, telles que les "coordinations".
Cette situation, qui résulte de l'extrême diversité des modalités d'exercice de chacun, ne peut pas susciter simultanément l'intérêt voire l'adhésion de chaque catégorie, à plus forte raison de chaque spécialiste, pour l'UCCSF. Ainsi, l'évolution de la carrière de chacun n'est ni linéaire ni homogène. Certains, attirés par la généralisation du plein-temps avec secteur privé intra hospitalier, ont quitté l'hôpital pour s'orienter pendant les 30 glorieuses vers la clinique privée, tandis que d'autres ont cherché à regagner l'hôpital dont ils étaient issus, parfois à la suite de déboires financiers ,ou après la disparition de leur clinique pour raisons diverses : regroupement, faillite...
L'histoire explique aussi l'évolution des préoccupations des uns et des autres. Il a fallu déployer de gros efforts et beaucoup d'obstination pour arracher d'une administration toujours réticente, s'agissant de médecins, certains avantages sociaux en faveur des hospitaliers placés sous subordination administrative, et qui ne sont toujours que des agents non titulaires de collectivités locales chargés d'un service public : le droit à l'immatriculation à la Sécurité Sociale, la reconstitution de carrière, des statuts proches de ceux de la fonction publique, celui de l'astreinte et de la garde, etc.
De même, le secteur hospitalier privé, dit libéral parce qu'il héberge les praticiens rémunérés à l'acte, est toujours régi par deux Conventions distinctes qui continuent à s'ignorer. Elles résultent d'accords tarifaires liant les cliniques depuis 1978 d'une part, les praticiens depuis 1960 d'autre part, à la même Assurance maladie. L'institution d'une Conférence médicale d'établissement par la loi EVIN de 1991, qui donnait enfin aux praticiens de cliniques une reconnaissance légale, peut être considérée comme un grand progrès à la condition qu'elle contribue à rapprocher les praticiens de leur établissement, qu'ils soient porteurs de parts sociales ou utilisateurs simples de leurs plateaux techniques.
Quant aux "coordinations" nées devant une difficulté ponctuelle, elles inquiètent toujours les pouvoirs publics, par leurs débordements plus ou moins spectaculaires. Tout gouvernement quel que soit sa couleur redoute les défilés de blouses blanches dans la rue. Mais ces manifestations pourtant de plus en plus fréquentes, n'ont pas la stabilité relative des organisations syndicales régulièrement constituées. Elles peuvent leur servir d'appoint en les stimulant ou en prenant à leur compte leurs revendications.
Une « politique »
Tout syndicat cherche à faire partager ses objectifs élaborés à partir d'une idée, le plus souvent par un petit groupe de dirigeants s 'appuyant sur la confiance des adhérents ou la confiance de ses alliés. Ainsi, la CSMF, soutenue jusqu'à aujourd'hui par le SML, a toujours milité pour le retour à la Convention unique depuis la seule signature par l'UCCSF en 1997 de la Convention séparée de spécialistes. Elle espère retrouver ainsi son monopole sur l'ensemble de la profession.
L'UCCSF au contraire, s'inspirant des réalités du terrain, maintiendra son option en faveur de conventions catégorielles, poussant ce principe jusqu'à l'élaboration d'une convention de Plateau Technique Lourd (PTL) associant cette fois pleinement tous ceux qui exercent en équipe sous cette contrainte, avec les gestionnaires de ces installations. L'UCCSF saisira toutes les opportunités pour parvenir à cet objectif nettement identifié et délimité.
Ceux qui épousent cette orientation viendront la rejoindre. Les autres s'en éloigneront jusqu'à ce que la conjoncture offre une voie de passage vers cette nouvelle architecture. C'est la perspective que l'Ordonnance n° 2003-850 du 4 Septembre 2003 (J.O. du 6 Sept.2003) vient d'ouvrir.
La doctrine ou, si l'on préfère le terme moins directif, l' « orientiaton constante » demeure le fil conducteur à travers les nombreuses voies ouvertes par une réglementation évolutive dans une société en constante transformation jusqu'à ce que, dans le domaine de la santé par exemple, les décisions politiques, économiques et techniques correspondent aux besoins de la population, et surtout aux réalités du terrain.
Alors, la doctrine élaborée par une réflexion, solitaire ou de quelques uns, sera combattue par principe par ceux qui en revendiqueront plus tard la paternité. A ce moment seulement, ses orientations pourront être adaptées et réalisées.
Une seule condition
Si l'idée de base qui inspire la doctrine est techniquement réalisable, comme par exemple le principe, souvent rappelé, d'une ou plusieurs conventions catégorielles (ou d'accords de branches) de plateau technique lourd conclus entre les trois partenaires indissociables Caisses d'Assurance-maladie, praticiens tributaires d'un plateau technique lourd et les gestionaires des installations. , il faut et il suffit qu'elle soit poursuivie inlassablement, avec détermination et sans interruption. Il faut parfois patienter longtemps avant de la faire progresser, malgré les sarcasmes comme ce fut le cas depuis le jour, en avril 1974 à la Maison de l'Amérique Latine où cette proposition fut avancée pour la première fois. 23 ans plus tard, cette idée a commencé à apparaître timidement mais officiellement dans la première convention de spécialistes négociée et signée le 12 mars 1997 par l'UCCSF et les trois Caisses Nationales d'Assurance-Maladie Convention Nationale des Médecins Spécialistes Libéraux de mars 1997 - Chapitre V, art.35, page 36 . Malheureusement, cette Convention novatrice qui séparait pour la première fois les spécialistes des généralistes, fut malencontreusement annulée par le Conseil d'Etat le 26 Juin 1998 sous la formidable pression médiatique des adversaires des conventions séparées et du plan JUPPE que l'immense majorité des médecins n'avait même pas lu…! Or, le motif d'annulation retenu par le Conseil d'Etat ne portait pas sur le principe de la séparation des deux catégories de médecins déjà acquise par la loi de 1990, mais seulement sur la représentativité contestée du signataire de cette Convention ! La joie des adversaires de la Convention qu'ils avaient réussi à faire annuler fut de courte durée. Les circonstances n'ont pas permis d'en élaborer une autre pendant les 7 années qui suivirent ! On peut dire que le corps médical libéral représenté officiellement à l'époque par la CSMF, la FMF, le SML, et la cohorte de la soixantaine de syndicats catégoriels qui les ont suivis, ont commis la plus lourde erreur de leur histoire.
Une « doctrine »
Il peut paraître prétentieux de parler de "doctrine", c'est à dire d'un ensemble de principes élaborés en commun, susceptibles d'impulser diverses actions syndicales coordonnées entre elles dans un but déterminé.
C'est pourtant, selon J. CORDEBAR, ce qui manque habituellement aux organisations professionnelles, faute d'avoir défini au préalable les objectifs à atteindre et arrêté une stratégie appropriée.
Son cheminement
S'attaquer dès 1974 Colloque de la Maison de l'Amérique Latine (19 mars 1974) et A.G. des spécialistes FMF (Hilton-Orly novembre 1974)   à la Convention uniforme (départementale modèle 1960 puis nationale modèle 1971) était un acte hautement téméraire. Tenter de montrer en 1988 que le principe de la rémunération à l'acte était appelé à être remplacé par une tarification par pathologie pour un patient déterminé soigné par une équipe définie dans une structure individualisée "relevait d'une dangereuse utopie".
La fameuse défense de "l'unité du corps médical s'efforçant d'éviter sa balkanisation" relevait selon nous des litanies incantatoires : il y a longtemps que cette unité professionnelle avait, selon nous, disparu du seul fait de la diversité extrême des formes d'exercice du corps médical dont l'individualisme s'oppose par nature à toute action collective.
Le seul lien qui existe encore entre toutes les composantes du corps médical demeure son Code de déontologie qui repose sur les principes humanistes qui ont traversé les siècles.
La "doctrine syndicale" que nous avons patiemment élaborée est fondée sur les seules réalités du terrain et non sur un fatras idéologique persistant qui continue à obscurcir le débat. Elle se situe donc à l'opposé du « dogme » qui inspire religieusement le principe intangible C.S.M.F. de la convention unique.
Les objectifs
Ayant eu depuis leur création jusqu'en 1994 la lourde responsabilité des orientations adoptées démocratiquement par les instances statutaires du Collège National des Chirurgiens Français et de la Fédération Nationale des Praticiens des Ets Privés, puis jusqu'en 1998 de l'UCCSF elle-même, il me semble possible de retracer aujourd'hui les grandes lignes de la doctrine qui s'est progressivement dégagée de nos réflexions selon le déroulement des événements médico-sociaux.
L'UCCSF se distingue de toutes les autres organisations syndicales, représentatives ou non, par le fait qu'elle est toujours en 2004 la seule présente simultanément dans les 3 secteurs d'hospitalisation (public, privé "PSPH ou non", et privé dit "commercial"). Rassemblant des spécialistes rémunérés à l'acte ou salariés, l'UCCSF a acquis une certaine expérience des qualités et des défauts respectifs de ces 3 secteurs.
Elle a réussi à introduire pour la première fois en avril 1984, après 7 ans d'efforts (!), la distinction fondamentale entre l'acte thérapeutique unique (le KC) et l'acte d'exploration fonctionnelle répétitif (le K). Une seconde fois en avril 1998, elle a obtenu la création du KCC, le KC de 1984 ayant été perverti à nouveau au fil des évolutions technologiques.
L'UCCSF a toujours prôné la responsabilité économique du corps médical à tous les stades et préféré les solutions évolutives ou pragmatiques aux prises de position idéologiques immuables. Cette conception a été longtemps jugée insupportable par ceux qui estimaient que la médecine est une tâche noble qui ne doit pas s'embarrasser de considérations matérielles et que, selon le mot célèbre, "l'intendance suivra". Cette orientation passéiste a aujourd'hui considérablement régressé, mais n'a pas complètement disparu.
L'UCCSF a constamment revendiqué la transparence par les chiffres L'UCCSF a toujours critiqué le mode de calcul très approximatif (qualifié trivialement de "pifométrique" de l'ONDAM qui est majoré d'une année sur l'autre de +2 à 3% alors que l'augmentation annuelle moyenne des dépenses est de +4 à 5%, voire plus, mécanisme qui conduit à un "malus permanent". Le poste "autres prescripteurs", devenu entre temps "autres dépenses de soins médicaux", de plus de 53 milliards en 1997, devrait être ventilé convenablement: les prescriptions provenant essentiellement du secteur salarié hospitalier ne doivent plus être imputées globalement au secteur libéral qui les exécute en ville. , d'où la nécessité de statistiques fiables et rapides, d'études techniques, démographiques et économétriques précises, selon les caractéristiques propres à chaque spécialité (24 seulement pour la CNAMTS, alors que l'Ordre en dénombrait déjà 52 en 1999 et que J. de KERVASDOUE en évalue le nombre à plus de 100 !). Cette demande commence seulement maintenant à se généraliser.
L'UCCSF a toujours milité dans le secteur dit "libéral" pour des conventions séparées ou des accords de branches centrés principalement sur le mode d'exercice, en l'occurrence sur le plateau technique lourd (public ou privé), instrument de travail des spécialistes chirurgicaux et des anesthésistes avec lesquels ils coopèrent en équipe. L'UCCSF s'est toujours élevée contre l'injustice conventionnelle consistant à exclure du système toute organisation non signataire (ce point important sera développé en fin de chapitre).
Devant la diversité des modalités d'exercice et des compétences requises pour chacune d'elles, l'UCCSF a résolument combattu le principe de l'omnivalence du diplôme de Docteur en Médecine, argument supplémentaire s'il en était besoin, en faveur de Conventions séparées.
L'UCCSF approuve la recherche de l'efficacité, de la qualité des soins Le corps des médecins spécialistes représenté par la FNEP n'a pas attendu le rappel de cette obligation en souhaitant dès 1975 la création de "cercles de qualité" comme règle professionnelle permanente.   à laquelle il faut ajouter la transparence, tout en s'efforçant de réduire dans le système actuel le gaspillage des ressources disponibles, et en rappelant que la qualité elle-même a un coût parfois très lourd dont la progression annuelle mériterait d'être évaluée à son tour (matériel à usage unique p.ex.).
L'UCCSF a, avec constance, dénoncé les lenteurs et les imperfections de l'informatique des Caisses qui devrait s'inspirer de l'exemple des grandes surfaces ou du PMU dont les résultats sont centralisés et comptabilisés pratiquement dans l'heure !
La ventilation des postes de dépenses devrait séparer les prothèses des dérivés sanguins nécessités par certains actes chirurgicaux des prescriptions par spécialités comme le forfait scanner est distinct des honoraires.
La tarification par pathologie dont l'UCCSF réclamait l'expérimentation depuis 1988 Cahiers de chirurgie 17ème année n° 65 - 1er trimestre 1988, p.83-87. Le tarification à la pathologie (TAP) a été remplacée inopinément par la tarification à l’activité (T2A) coïncidant avec l’arrivée du Pr MATTEI en juin 2002.   doit être entreprise sans nouveau délai et d'une façon identique dans chacun des deux secteurs, et en commençant par les actes chirurgicaux uniques et non répétitifs.
L'UCCSF réclame également depuis les réformes de 1984, la direction médicale des hôpitaux dont on commence seulement à soupçonner l'intérêt au moment où les technologies médico-chirurgicales progressent rapidement et retentissent sur la gestion économique des établissements.
Enfin, l'UCCSF estime que le monopole dont bénéficie l'Assurance-maladie sur une clientèle captive ne l'autorise pas à s'exonérer d'elle-même des engagements qu'elle a pris en couvrant si mal le risque dentaire et ophtalmologique, sans contre-partie. Elle continue à se dégager, en particulier sur la pharmacie, sans pour autant diminuer les cotisations prélevées ou rembourser les "trop perçus" aux cotisants, alors qu'elle s'empresse d'appliquer cette procédure au corps médical, coupable d'avoir "surcoté" un acte.