Il ne suffisait pas d'affirmer que la chirurgie française était en crise. Il fallait pouvoir le prouver et annoncer, chiffres à l'appui, le désastre que le Collège National des Chirurgiens Français avait pressenti dès sa création en 1970 et affirmé au fil des années.
La lettre-clé KC laborieusement créée le 26 avril 1984 (après 7 années d'efforts et d'innombrables démarches) ayant enfin permis d'isoler les actes chirurgicaux cotés en KC et les actes d'explorations fonctionnelles cotés en K, le Collège avait pris la décision de recueillir et de rassembler les chiffres qui permettaient enfin de suivre leur évolution et d'apporter les preuves du déclin annoncé de notre spécialité.
A deux ans d'intervalle, nous avons publié les 3 dossiers du KC échelonnés sur 5/6 ans
  • 1er dossier Cahiers de Chirurgie n° 53, 1er trimestre 1985, p. 68-82
  • 2ème dossier Cahiers de Chirurgie n° 62, 2ème trimestre 1987 (supplément)
  • 3ème dossier Cahiers de Chirurgie n° 73 - 1er trimestre 1990 (supplément)
Cette 3ème actualisation arrêtée à novembre 1989 du dossier du KC permet de mesurer l'ampleur du désastre, titre de cet ouvrage de 58 pages qui fut largement diffusé.
A la lecture des tableaux comparatifs qui ètayent la démonstration du Collège, de nombreux "décideurs" situés aux différents niveaux des toutes puissantes tutelles, les Caisses d'assurance-maladie et les Ministères (y compris la célèbre rue de Rivoli qui n'avait pas encore déménagé à Bercy) se sont montrés successivement
  • incrédules
  • surpris
  • perplexes et
  • finalement inquiets (pour eux mêmes et leurs familles...)
quand ils ne s'écriaient pas : " Je découvre ! "
Ces dossiers et en particulier le 3ème Il fallait attendre la montée en puissance de la lettre KC nouvellement créée, appliquée avec retard et colligée avec lenteur. , ont été établis avec le plus grand soin, et les chiffres vérifiés et croisés auprès de différentes sources.
Le Collège avait fourni un très important travail, le premier du genre, qui fut imité par la suite par d'autres spécialités, mais dont la méthodologie n'a jamais été contestée.
Le Collège a "épluché" dans le détail l'activité et l'évolution de 1979 à 1988 des chirurgiens libéraux, en C, CS, K KC, selon les spécialités, en nombre de coefficients.
On s'est aperçu que les chirurgiens n'effectuaient que 41% du total des coefficients du KC et qu'affirmer que "le KC était la lettre clé des chirurgiens " constituait déjà un véritable abus de langage, et que la somme des coefficients en K et en KC effectués par les chirurgiens était en régression lente mais constante.
Le calcul des indices des différentes lettres-clés illustrait de façon aveuglante la dérive du K et du KC par rapport à l'indice du C par exemple qui était déjà plus du double de celui du KC...!
Déjà, en 1989, si le KC avait évolué comme le C ou comme le prix de journée des cliniques en région parisienne, le KC aurait du atteindre 26,92 frs et la demande d'un KC à 26 frs avancée par le Collège était même très raisonnable. On trouvera en annexe le tableau chronologique de l'évolution de la valeur des principales lettres-clés des chirurgiens.
Une fois de plus, le Collège avait mis en garde les décideurs et la presse de ne plus confondre
  • les honoraires bruts (ou chiffre d'affaires)
  • le revenu net (ou imposable)
  • les chirurgiens "APE" et les autres Il s'agissait d'un artifice comptable consistant à ne retenir que des chirurgiens en pleine activité, en écartant ceux qui étaient en début de carrière et en fin de carrière, ainsi que les hospitaliers ayant un secteur privé. Après discussion, cet artifice a été abandonné, mais remplacé par un autre tout aussi contestable !....
  • le revenu réellement disponible après impôts, couverture sociale complémentaire personnelle, assurance des mains, charges réelles mais toujours non déductibles.
Ces dossiers du KC ont démontré la lente mais inexorable dégradation de la situation matérielle du chirurgien libéral, la perte de son pouvoir d'achat, la place de la chirurgie libérale dans la consommation médicale finale
Enfin, l'étude attentive de la démographie des chirurgiens permettait d'affirmer que la relève n'était déjà plus assurée et que la pyramide des âges autorisait de poser la question suivante :
Par qui serez-vous opéré demain ?
A part quelques journaux professionnels, ces avertissements n'ont pas eu l'écho escompté. Tout a continué comme avant. Les "décideurs" ont toujours été persuadés que la chirurgie libérale était prospère. Ils ne se réveilleront que lorsqu'il sera trop tard.
Mais ils n'auront pas l'excuse de ne pas avoir été prévenus en temps utile. Leur responsabilité est lourdement engagée mais qui s'en avisera ?
Le faux espoir du KCC
Le KC créé en 1984 comme il est rappelé ci-dessus fut rapidement pollué par les actes nouveaux de plusieurs spécialités non chirurgicales. Il était donc devenu nécessaire d'individualiser encore plus nettement l'acte chirurgical véritable (acte unique, sanglant ou invasif, non répétitif, effectué en équipe, à l'aide d'un plateau technique lourd), défini par une nouvelle lettre à créer. Cette lettre-clé inscrite au Chapitre V de la nouvelle Convention de spécialiste signée par l'UCCSF en mars 1997 ne fut réellement obtenue qu'après plus d'un an de démarches pressantes, mais ne fut jamais valorisée...!
Voici un bel exemple de la mauvaise foi des décideurs qui trouvent toujours le moyen de renier leurs engagements.
Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions que la puissance publique perde son crédit, que le citoyen abusé de cette façon retire sa confiance dans ses représentants et crée des Coordinations qui expriment leurs réclamations d'une façon bruyante dans la rue pour se faire entendre des décideurs grâce à l'écho amplificateur de l'opinion publique.