27 Novembre 1970 - 29 Décembre 2006

Entre la création du Collège National des Chirurgiens Français et la mise en place laborieuse par un simple arrêté interministériel fixant la composition du « Conseil National de la Chirurgie »,

36 années exactement se sont écoulées !

Cette longue maturation aurait dû permettre aux gouvernements successifs, aux tutelles, aux gestionnaires de l'Assurance-maladie et à l'opinion publique d'admettre la spécificité de la chirurgie et l'explication de sa lente agonie.

Cette réflexion lapidaire devrait faciliter une approche plus objective et moins passionnelle que par le passé du dossier complexe de cette spécialité.

 

Le lendemain du Conseil des Ministres du 16 juin 2004, le Ministre en exercice installa le 17 Juin 2004 avec une certaine solennité l'ébauche du futur Conseil National de la Chirurgie Française.
Rappel historique
Lors du Congrès de Chirurgie de Septembre 1970, un certain nombre de chirurgiens dénoncèrent les premiers signes du déclin de la chirurgie, spécialité peu nombreuse mais hautement différenciée qui commençait a prendre conscience tardivement des difficultés apparues avec le système conventionnel élaboré autour du médecin de famille. La profession avait jusqu'ici confié la défense catégorielle de ses intérêts à des médecins, le plus souvent généralistes, plus disponibles mais moins motivés, regroupés sous la bannière syndicale unique de la C.S.M.F. Ses représentants auprès des pouvoirs publics et des organismes d‘assurance avaient conservé la notion généralement répandue dans l'opinion publique que les chirurgiens étaient toujours des privilégiés dans l'échelle sociale. Regroupés dans une salle attenante au Congrès, ils dénoncèrent l'attitude de la CSMF à l'égard des chirurgiens. C'est alors que Maurice LUZUY (Blois) avec son talent oratoire habituel, appuyé par Jean Bénassy, Georges Guillemin, César Nardi, Roger Couvelaire, Jean Schnepp, et Pierre Guénin, proposa sur le champ de créer une organisation syndicale indépendante, spécifique de la chirurgie, ponctuant son intervention sur cette remarque : "Il existe bien déjà deux Académies distinctes, l'une de Médecine, et l'autre de Chirurgie, chacune ayant ses compétences propres !".
Il était impératif de constituer un organisme réellement représentatif de la chirurgie dont les principales caractéristiques (formation, exercice, servitudes, carrières etc…) sont totalement différentes de l'exercice d'un médecin de famille et pratiquement ignorées des Organismes sociaux et même de la puissance publique. Six semaines plus tard, le 27 novembre 1970, les statuts du Collège National des Chirurgiens Français furent déposés à Paris sous le n° 15.000.
Présidé par le Professeur Georges GUILLEMIN (Lyon) le Collège commença à rassembler, dans l'indifférence générale, les premiers éléments chiffrables du déclin insidieux mais progressif de la chirurgie et de ses caractéristiques propres.
Après quelques succès initiaux, (reconnaissance du Collège pour siéger dans les Commissions ordinales de qualification, dissociation du K et du KC, création des Cahiers de Chirurgie), il faut bien reconnaître qu'en dépit des efforts déployés auprès des tutelles, des parlementaires, de l'opinion publique, la situation de la chirurgie continuait à se dégrader d'année en année...
L'idée de la création d'une "COMMISSION de la CHIRURGIE" lancée depuis l'origine par le Collège ne fut retenue officiellement pour la première fois qu'à l'issue du GRENELLE HOSPITALIER qui s'était déroulé 13 ans plus tard à Paris du 9 décembre 1983 au 4 janvier 1984. Elle tomba dans l'oubli malgré d'incessants rappels.
Sans se décourager, le Collège poursuivit ses démarches auprès des responsables socio-politiques qui n'ont pris que très lentement conscience du drame silencieux annoncé par le célèbre slogan "Qui vous opèrera demain?"  lancé en 1987 et répété en toutes occasions.
S'affranchissant de toute tutelle en 1987, le COLLEGE a du attendre encore dix ans pour faire reconnaître, avec la FNEP (créée en 1973) sa représentativité et parvenir en 1997, avec la signature de l'UCCSF, à la Convention séparant pour la première fois, les spécialistes (dont les chirurgiens) des généralistes représentés par MG France, qui réclamaient également cette séparation depuis plusieurs années. Cette opération ne pouvait s'effectuer tant qu'un autre syndicat représentatif de spécialistes ne s'associerait pas à cette démarche déjà inscrite dans la loi de 1990…
Cette première séparation entre généralistes et spécialistes constituait déjà une première approche logique entre des métiers différents mais encore insuffisante puisque les spécialistes médicaux et chirurgicaux se trouvaient encore et toujours indistinctement réunis dans une même Nomenclature d'actes.
Le 15 novembre 1991, le Collège adressa à tous les parlementaires un mémorandum détaillé sur la crise traversée par la chirurgie et l'urgence des solutions à lui apporter, en particulier par la création d'une "instance spécifique".
Plusieurs rapports officielsL'un des rapports de l'Inspection Générale des Affaires Sociales portait sur l'application du protocole d'accord du 24 août 2004 . Il portait deux signatures : Mme Christine d' AUTHUME pour les 38 premières pages et celle du Pr. Henri GUIDICELLI pour les 5 dernières pages., dont celui du Pr Henri GIUDICELLI et du Dr VEYRAN-PEYRET (constats et propositions - 143 pages - fév.1996) avaient déjà appelé l'attention sur la situation inquiétante de la chirurgie.
A la suite d'un changement de majorité en 2002, un nouveau rapport rédigé en commun par Pr. Henri Guidicelli et par le Professeur Jacques Domergue, député de l'Hérault, rassemblant en l'actualisant toute l'argumentation accumulée par le Collège retint pour la première fois l'attention de la classe politique. Il fallut cependant attendre le vendredi 14 mai 2004 en fin de matinée pour que le principe de la création du "HAUT CONSEIL de la CHIRURGIE"  soit adopté à l'unanimité des participants encore présents à une réunion de travail au ministère convoquée à la suite de différents mouvements spectaculaires provoqués par l'exaspération des chirurgiens face à l'inertie des pouvoirs publics.
A la suite de ces différentes manifestations, le gouvernement RAFFARIN prit enfin conscience le 16 juin 2004 de la réalité et de la profondeur de la crise annoncée depuis 34 ans par le Collège et décida la création du Haut Conseil de la Chirurgie. Il était destiné à trouver dans l'urgence les solutions susceptibles de résoudre la crise profonde traversée par cette spécialité qui avait été maintenue sous la tutelle étroite des organisations polycatégorielles et noyée parmi les nombreuses disciplines et formes souvent nouvelles d'activités médicales.
En réalité, la chirurgie qui est une des plus anciennes spécialités, peu nombreuse mais hautement spécifique, n'avait pris conscience que très tardivement des difficultés qu'elle allait rencontrer. Les premiers symptômes de la crise qu'elle allait affronter sont apparus avec le système conventionnel qui fut construit autour du médecin de famille entre 1950 et 1960.
Sans s'attarder sur le changement de dénomination de la nouvelle structure pour des rainsons obscures, il faudra attendre encore 6 mois l'arrêté du 15 octobre 2004 portant création officielle du Conseil National de la Chirurgie, et 2 ans de plus (!) le 29 décembre 2006 la publication au JO de l'arrêté du Ministre de la Santé et des Solidarités, M. Xavier BERTRAND, et du Ministre de l'Education Nationale, M. Gilles DE ROBIEN (Gouvernement DE VILLEPIN), fixant la composition définitive du Conseil de 39 membres (!).
Ce long cheminement montre l'importance des enjeux qu'on peut résumer dans le remarquable rapport du 3 avril 2006 de Guy VALLANCIEN, devenu Secrétaire Général du Conseil National de la Chirurgie et des perspectives nouvelles qu'il ouvre sur 10 propositions précises et parfois chiffrables.
Il reprenait une large partie de l'argumentaire du COLLEGE, ces idées directrices émanant d'un auteur qui connaissait parfaitement les trois secteurs d'exercice universitaire, hospitalier temps-plein et temps partiel, et privé (PSPH). Déjà, dans l'optique des moyens logistiques induits par l'exercice spécifique de la chirurgie,  Jean Gabriel BRUN avait proposé la création d'une section spécialisée au sein du Conseil National de l'Ordre.
Chaque établissement public ou privé devra remplir des conditions d'exercice et atteindre des objectifs selon des critères à établir et des règles rigoureuses à respecter, sous bilans périodiques.
Aux statuts rigides, on préférera des contrats individuels personnels ou mixtes (chirurgiens / anesthésistes) selon les tâches, les compétences des praticiens et les objectifs fixés. En clair, on peut espérer que tout le système de la convention unique et uniforme qui a été si néfaste pour la chirurgie au sens large sera définitivement mis au rebut.
Il faudra encore renforcer les conditions de recrutement des personnels, améliorer les conditions d'accueil des patients et des urgences, s'appuyer sur les autorités locales (maires) ou à la rigueur régionales (ARH) pour tenir compte des réalités du terrain, loin des constructions théoriques planificatrices souvent séduisantes mais presque toujours inapplicables.
Après les deux rapports conjoints rendus le 13 septembre 2005 par les Académies de Médecine et de Chirurgie, après le rapport de notre ami Guy VALLANCIEN concluant le 3 avril 2006 sur 10 propositions précises, après les deux rapports de l'IGAS de Septembre 2006, le Conseil National de la Chirurgie s'est mis au travail. Il porte les derniers espoirs d'une spécialité autrefois prestigieuse, aujourd'hui en pleine crise morale et matérielle, et dont la relève n'est plus assurée et la maintenance fortement compromise. Ce résultat est certes acquis mais trop tardivement puisque tous les parlementaires, les tutelles et de nombreux « décideurs » étaient avertis depuis 1987 auraient pu réagir 17 ans plus tôt.
Aujourd'hui, la "démédicalisation" systématique entreprise depuis 1962 a produit tous ses effets, en partie de la faute du corps médical lui-même, qui refusait de s'impliquer dans la gestion complexe du système médico-social. La santé est désormais administrée sans les médecins, devenus de simples agents techniques d'exécution. Simultanément, le coût de la santé, l'accroissement régulier de la longévité,  les progrès techniques incessants imposent des conceptions nouvelles de la protection sociale compatibles avec les effets de la mondialisation de l'économie.
Justement, dans un "manifeste pour une autre médecine" situé dans le prolongement de son rapport sur la chirurgie, le Pr. Guy VALLANCIEN s'oppose à la néfaste Convention unique devenue une simple relique historique et développe, sous le titre "la SANTE n'est pas un droit" Bourin éd. Paris-mars 2007, 200 p., une série de réflexions et de propositions nouvelles concernant l'évolution nécessaire des relations entre la protection sociale des populations et les professions de santé au seuil du XXI ème siècle.