J'aurais souhaité terminer ce chapitre sur une lueur d'espoir : cette 17ème ou 18ème tentative de réforme (on a du mal à les compter) a-t-elle au moins une petite chance de réussite ? N'aura-t-elle, comme toutes les précédentes, qu'un effet ne dépassant pas 18 mois à deux ans ?
J'ai le sentiment que cette tentative rejoindra toutes les autres dans l'échec, tout simplement parce que le système lui-même est demeuré structurellement inchangé dans sa conception et son architecture primitives. Seuls ses effets induits font périodiquement l'objet de correctifs plus ou moins efficaces.
J'invite le lecteur qui s'aventurerait jusqu'ici à se reporter simplement 34 ans en arrière lors de la publication des 4 célèbres Ordonnances de 1967Ordonnance n° 67-706 du 21 août 1967 (organisation administrative)
Ordonnance n° 67-707 du 21 août 1967 (modifications du Code de la Santé publique, du Code de la Sécurité Sociale, et de la loi du 18 Juin 1966)
Ordonnance n° 67-708 du 21 août 1967 (prestations familiales)
Ordonnance n°67-709 du 21 août 1967 (généralisation des assurances sociales volontaires)
séparant les différentes branches et instituant un nouveau cadre juridique avec les 3 Caisses Nationales.
Le nouveau dispositif avait été conçu, depuis l'avènement de la Vème République, par un gouvernement politiquement fort disposant d'une majorité stable.
Les trois déclarations reproduites ci-après Toutes ces références sont tirées du numéro 78 spécial du CADUCEE daté de novembre 1967.   donnent à penser que malgré tout, les Pouvoirs publics, après avoir écarté le corps médical des responsabilités qu'il revendique seul, lui attribuent par avance la responsabilité éventuelle d'un échec des Ordonnances :
" Mais si les médecins ne consentent pas à une modération indispensable, on en viendrait fatalement un jour à l'application autoritaire de systèmes comme ceux existant en Angleterre, en Allemagne ou en URSS "
Jean Marcel JEANNENEY
Congrès des Classes Moyennes (18 Juin 1967)
 
" Nous avons mis ensemble tous ceux qui sont directement intéressés par la Sécurité Sociale, par ce qu'elle coûte, par ce qu'elle procure. Il leur faudra se mettre d'accord bon gré, mal gré… S'ils n'y réussissent pas, … tout cela risque de se terminer par une Sécurité Sociale étatisée, le système dont personne ne veut."
Georges POMPIDOU
L'Express (4 Septembre 1967)
 
" Le Gouvernement a cependant voulu laisser une dernière chance aux médecins et aux Caisses de maintenir une médecine libérale dans ce pays. S'il est décidément prouvé que le système actuel multiplie les encouragements à la consommation sans faire jouer les freins, il faudra bien en venir à une médecine de caisse. "
Michel DEBRE
Paris-Presse (14 Septembre 1967)
 
29 ans plus tard, le 24 Avril 1996 les trois Ordonnances du Plan Alain JUPPE renforçaient et complétaient les mesures des Ordonnances de Jean Marcel JEANNENAY (gouvernement POMPIDOU 1967).
Aujourd'hui, en 2004, le Plan DOUSTE BLAZY–Xavier BERTRAND tente d'équilibrer l'Assurance-Maladie dont le déficit est qualifié "d'abyssal" par le ministre lui-même !
La loi d'Octobre 2004 s'efforce de rénover un système dépassé en imposant des contraintes supplémentaires.
Voilà pourquoi j'ai quelques doutes sur l'avenir de ces réformes qui, par manque de courage politique, ne dépasseront pas le stade des "rustines de dépannage".