La situation politique en mars-avril 2004
Après l'échec cuisant subi par la majorité aux dernières élections régionales de mars 2004, contre toute attente le gouvernement RAFFARIN II a été reconduit après un léger remaniement ministériel : le Professeur Jean François MATTEI, Ministre de la Santé, de la Famille et des personnes handicapées, discrédité par les 15.000 morts de la canicule d'août 2003, a été remplacé par le Pr. Philippe DOUSTE BLAZY, Ministre de la Santé et de la Protection sociale, assisté de Mr. Xavier BERTRAND, Secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie.
M. J.F. MATTEI, relativement novice en politique, avait cru avoir gagné la confiance du corps médical en accordant d'emblée 2 euros par consultation aux seuls généralistes auxquels allaient ses préférences. En restant sourd aux réclamations des spécialistes toujours soumis à un régime conventionnel minimal et exclus de toute revalorisation depuis 8 ans (et pour certains depuis 12 ans !), il accréditait une rumeur d'hostilité à l'égard des chirurgiens, bien qu'il fut lui-même fils de chirurgien… En outre, succédaient à un autre médecin, Bernard KOUCHNER, certes moins titré mais beaucoup plus expérimenté et déjà très populaire après 3 passages ministériels, J.F. MATTEI partait avec un sérieux handicap.
Quoi qu'il en soit, objet de toutes les critiques amplifiées par quelques maladresses, J.F. MATTEI, homme de laboratoire auréolé d'une haute réputation de généticien défenseur de l'éthique médicale, a été bien injustement rendu responsable des circonstances : à partir du 14 juillet, la France se met en effet en vacances jusqu'au 15-30 septembre. Les usines ferment, les bureaux se vident, les boulangeries se raréfient, les administrations publiques tournent au ralenti. Dans les centres de décision, il n'y a pratiquement plus de responsable présent avant et après le "pont traditionnel "du 15 août. Seule, une permanence presque symbolique assure une continuité factice du service. Il en est ainsi dans les cabinets ministériels… et en cas d'incident, on ne trouve aucun responsable, l'Administration ayant cette merveilleuse plasticité pour s'exonérer dans une remarquable défense du corps et pour offrir à la vindicte de l'opinion publique, un lampiste !
Philippe DOUSTE-BLAZY n'était ni inconnu, ni novice puisque, placé sous l'égide de Mme Simone VEIL, Ministre d'Etat dans le gouvernement BALLADUR, il avait fait ses premières armes 9 ans plus tôt en 1993/1995 dans le même poste. Entre temps, successivement maire de LOURDES puis de TOULOUSE, le nouveau ministre s'était familiarisé avec un corps médical de plus en plus revendicateur.
Mais dans les deux cas, prendre un hospitalo-universitaire pour lui confier le ministère de la Santé est, à mon avis, une erreur politique majeure : sa perspective est inévitablement incomplète puisqu'elle est privée d'une expérience suffisante de la pratique de ville.
Aussi, pour gérer la gigantesque machine de l'Assurance-maladie, un grand nombre d'intervenants, officiels ou non (Organismes publics ou assimilés, parlementaires, caisses, mutuelles, syndicats, associations de patients, économistes, personnalités, etc,) exercent des pressions à tous les niveaux de décision. Mais on sait depuis longtemps que l'Administration, centrale ou régionale, assure à sa façon une certaine continuité sans toujours tenir compte des instructions ministérielles ou préfectorales qui, du fait de la succession des cohabitations et des stratifications politiques, lui laissent un large champ libre.
Le climat général
Depuis la période de facilité et d'expansion des trente glorieuses induisant une vision quelque peu idyllique du système médico-social, de multiples critiques formulées progressivement par toutes les catégories concernées (notamment assurés et professions de santé), contribuent à une évolution revendicative des mentalités et des comportements.
Ainsi, parallèlement à une dé-médicalisation progressive, on observe une sur-administration s'efforçant, sans y parvenir, de contenir la formidable pression des dépenses de l'Assurance-maladie que ne peuvent plus compenser les recettes insuffisantes malgré un accroissement devenu insupportable des prélèvements obligatoires. J'ai entendu un de mes anciens opérés, un grand industriel que je ne nommerai pas pour lui éviter de graves ennuis, me dire textuellement : "Ce n'est pas la peine de chercher la cause du désastre: la SECU est devenue le cancer qui ronge l'économie du pays."
Le moment approche où, un demi-siècle après sa conception et les incessants progrès techniques et sociologiques intervenus depuis lors dans une économie mondialisée, une réflexion approfondie s'impose pour adapter l'ensemble du système médico-social actuel à sa place et son rôle dans la société contemporaine. Rien, sauf la crainte d'une révolution politico-sociale, n'empêche d'imaginer une autre formule, peut être moins généreuse mais économiquement plus viable.
Bref rappel historique
Bismarck avait institué 3 régimes obligatoires distincts (maladie – 1883, accidents du travail – 1884, et invalidité – 1889). En France, la loi du 9 avril 1898 crée le régime des accidents du travail et en 1930, un régime dit d'assurances sociales pour les travailleurs aux faibles ressources. En Angleterre, lord Beveridge institue en 1942 un régime social fondé sur une redistribution des richesses. Issu du Conseil National de la Résistance, le système de protection sociale promulgué par l'Ordonnance du 4 Octobre 1945 fut élaboré par le Conseiller d'Etat Pierre LAROQUE puis remanié en 1966/1967 par le ministre JEANNENEY, dont Raymond BARRE était alors le Directeur de cabinet. Face à un déficit grandissant, le gouvernement ROCARD institua en 1991 la Contribution Sociale Généralisée (CSG). En avril 1996, les 3 Ordonnances JUPPE réforment le système, rapprochent les deux hospitalisations et instituent un budget annuel de la Sécurité Sociale voté par le Parlement.
Peine perdue puisque les dépenses dépassent systématiquement toutes les prévisions budgétaires dans un contexte économique et démographique poussant à une augmentation constante et irrésistible de la consommation des produits et services de santé toujours supérieure à l'évolution moyenne des revenus à partir du moment où les éléments fondamentaux du système (mélange de collectivisation dans un système d'apparence libérale) ne sont toujours pas remis en cause.
Rappel de notions médico-sociales élémentaires Tous les chiffres sont tirés du Carnet de Santé de la France en 2000, rapport publié sous l'égide de la Mutualité Française sous la direction de Jean de Kervasdoué (La Découverte et SYROS éd. Paris 2000. 352 p.)
La population française qui était de 40 millions d'habitants en 1939 a dépassé les 60 millions à la fin du XXème siècle.
Le corps médical comptait
  • en 1901, 15.900 médecins soit un pour 2.400 habitants
  • en 1938, 28.600 " 1.465 "
  • en 1950, 32.400 " 1.286 "
  • en 1970, 65.200 " 779 "
  • en 1990, 147.900 " 382 "
  • en 2002 En 2004, on dénombrerait 207.000 médecins en exercice (source : Quotidien du Médecin n° n°7535 du 6 mai 2004), 200.000 "332"
  • en 2012, le rapport BERLAND publié en décembre 2002 prévoit 305 médecins pour 100.000 habitants (attention, le mode de calcul est inversé …!) avec une féminisation plus marquée.
En 1945, on ne dénombrait que 5 spécialités médicales : médecine, chirurgie, obstétrique, radiologie et biologie.
En 2000, on compte 53 spécialités reconnues ou admises par l'Ordre, et en fait plus de 100 selon J. de Kervasdoué.
Le nombre de pharmaciens d'officine a presque doublé de 1950 (14.010) à 1997 (26.680).
Les infirmiers(ères) ont sextuplé de 1955 (43.211) à 1995 (281.764), surtout dans les hôpitaux où elles ont remplacé les religieuses. Les autres professions dites para-médicales ont suivi une évolution analogue.
La Dépense Nationale de Santé a presque doublé de 1970 (5,8 % du PIB) à 1997 (9,6 % du PIB) avec à cette date une consommation médicale totale de frs 726.609 millions soit 89,15% des dépenses courantes de santé.
Les soins hospitaliers représentaient en 1997 352 milliards de frs (soit 6.020 frs par habitant) pour un total de 508.000 lits (publics et privés).
Les soins ambulatoires fournis par des professionnels libéraux s'élèvent en 1997 à 193,5 milliards de frs.
La consommation de soins de médecine libérale ambulatoire s'élève à 95 milliards de frs en 1997 soit 1.600 frs par habitant. Elle correspond à 283 millions d'actes effectués par 60.496 généralistes et 53.034 spécialistes.
Ces quelques chiffres peuvent donner le vertige, même à un initié. Ils ont une contre-partie mesurable : les incontestables progrès techniques ont amélioré la santé de la population au point d'allonger l'espérance de vie d'un trimestre par an en moyenne soit un an sur 4….! Ce résultat a pour effet de permettre l'apparition de nouvelles maladies qui n'avaient pas jusqu'ici un recul suffisant : éclosion d'un nouveau cancer de nature différente du premier cancer guéri, maladies rares, etc.
Vers une 19ème (?) tentative de redressement
C'est ainsi que depuis le plan dit de redressement institué par le Général de Gaulle en 1958 à l'occasion du "nouveau franc", on a dénombré depuis 1977 pas moins de 18 plans plus ou moins complets dits "de rééquilibrage, de régulation, de sauvetage, de rétablissement de l'équilibre, de clarification" des comptes de la Sécurité Sociale.
On a constaté que chaque tentative qui ne portait d'ailleurs que sur la réduction des dépenses et non sur leurs causes réelles, épuisait ses effets en 18 mois à deux ans en moyenne..
Dès sa prise de fonction début avril 2004, Philippe DOUSTE BLAZY a pris la précaution "de découvrir un déficit abyssal"Le déficit de l'Assurance-maladie est évalué en mai 2004 à 14 milliards d'euros. Il se creuserait à la vitesse de 26.600 euros par minute …! des comptes sociaux et spécialement ceux de l'assurance maladie. Avant d'engager une nouvelle réforme, le ministre a cherché à rétablir un climat de confiance entre les partenaires en évitant de "culpabiliser" les médecins tout en rappelant les contraintes économiques sévères qu'il rencontrait.
Il a envisagé diverses orientations : le dossier médical informatisé et partagé, le retour des RMO ou leur version plus élaborée des référentiels de bonne pratique, les protocoles de soins, l'évaluation. etc… Mais surtout, il a esquissé un calendrier très serré puisque un projet de loi devrait être présenté à l'Assemblée avant le 14 juillet 2004 et voté avant la fin juillet. Le succès électoral remporté par le parti socialiste aux élections régionales a en effet obligé le gouvernement RAFFARIN III à renoncer à la procédure bien commode d'imposer une réforme par voie d'ordonnances et de passer par le vote d'une loi votée par le Parlement. D'où un délai très court pour amorcer une réforme qui se propose d'être radicale pour "sauver un système à la dérive".
Les intentions sont sûrement sincères mais, à notre avis, totalement irréalistes.
Analyse des objectifs actuels selon les différents partenaires :
  • le patient (ou sa famille) recherche la meilleure qualité des soins, dispensés par les meilleurs médecins (les plus titrés ?), immédiatement disponibles et si possible gratuits.
  • les professionnels de santé attendent une liberté de prescription et d'installation, et une rémunération aussi large que possible, dans un cadre contractuel avec un assureur, assorti de garanties de revalorisation périodique, et une couverture sociale (maladie et retraite). Ils finiront par accepter des procédures d'évaluation et de F.M.C. assorties par diverses incitations économiques.
  • les organismes sociaux doivent retrouver leur rôle initial et fondamental d'assureur tiré de leurs lointaines origines mutualistes et renoncer à leur activité de redistribution des revenus et de transferts sociaux. Pour atteindre cet objectif, ils sont prêts à imposer des contraintes nouvelles de recyclage périodique des connaissances et un cahier des charges et des obligations à respecter.
  • les pouvoirs publics cherchent à équilibrer dépenses et recettes tout en garantissant une régulation de soins de qualité à une population de plus en plus éclairée et exigeante.
Il est évident que certains de ces objectifs sont contradictoires et ne pourront jamais être atteints. Tout au plus, par la concertation, le dialogue et certains compromis, il serait possible de s'en approcher en se rappelant que la santé représentera un des plus gros postes de consommation de biens et services et que sa part dans l'économie générale des pays industrialisés pèsera très lourdement.
Que propose donc l'UCCSF ?
Selon notre analyse, il n'existe que deux options et deux seulement :
Première option : le schéma de 1945 est conservé et renforcé
On se contente de proposer, comme pour toutes les tentatives précédentes de réformes, une nouvelle série de mesures dont l'effet s'épuise vite : c'est ce qu'on a appelé avec dérision "la politique des rustines", comportant comme d'habitude une augmentations des cotisations et/ou des prélèvements sociaux avec le corollaire d'une diminution des prestations, assortie d'un certain nombre de mesures dites d'accompagnement :
  • renforcement du contrôle médical des caisses, notamment en matières d'arrêts de travail,
  • déremboursement partiel ou total de certaines prestations,
  • poursuite du blocage des honoraires médicaux, incitation à la prescription de médicaments génériques,
  • créations de nouvelles commissions, transferts de compétences de certaines professions de santé,
  • incitations à un relais par des mutuelles ou assurances complémentaires, etc.
A la rigueur, institution d'un dossier médical individuel informatisé pour éviter les répétitions d'examens coûteux, incorporation d'une photographie dans la carte Vitale pour éviter les fraudes, mais ces suggestions n'ont été ni étudiées, ni testées, ni chiffrées. Elles semblent avoir été lancées pour obtenir un simple effet d'annonce en raison d'un calendrier très serré.
Tout porte à croire que c'est cette option qui sera proposée par le nouveau ministre avant le 14 juillet 2004. Elle subira probablement le même sort que les précédentes puisque l'architecture générale du système restera inchangée.
Deuxième option : la suppression du monopole de la Sécurité Sociale
Plusieurs auteurs sont convaincus depuis un certain temps que la principale réforme à envisager consiste à supprimer le monopole exercé par la Sécurité Sociale sur une population captive, spécialement dans le domaine de l'Assurance-maladie. En effet la principale cause des dérapages des comptes sociaux tient essentiellement à l'absence de concurrence qui protège la Sécurité Sociale de toute autre formule laissée au libre choix des assujettis.
Tels sont les arguments du combat mené avec persévérance et courage par Claude REICHMAN depuis de nombreuses années Son premier article fut publié en 1994 dans le Figaro et sur les antennes de Radio Courtoisie en faveur d'une véritable libéralisation du système actuel qui est pour l'instant hermétiquement replié sur lui-même, à l'abri de toute tentative extérieure qui pourrait l'obliger à évoluer vers une amélioration de sa gestion et à surmonter son immobilisme.
On sait très bien que cette situation est confortable et protectrice des innombrables intérêts individuels et collectifs qui gravitent et prospèrent sans concurrence sous le couvert idéologique et égalitaire d'une solidarité entre toutes les catégories sociales. L'intention est pure et conforme à l'idéal républicain, mais statique par définition. La concurrence impose au contraire une recherche dynamique et permanente d'améliorations possibles tout aussi conforme à l'idéal républicain qui n'a jamais condamné le progrès social soutenu par le progrès économique ! L'expérience montre en permanence que les retombées économiques de la concurrence sont le moyen le plus efficace d'améliorer les conditions d'existence de chaque citoyen tout en relançant la consommation et les investissements au bénéfice de la collectivité.
Il s'avère que les directives européennes 92/49/CEE et 92/96/CEE abrogent en principe le monopole général de la Sécurité Sociale et permettent théoriquement à tout citoyen français de s'assurer librement pour la maladie, la vieillesse, les accidents du travail et le chômage auprès de n'importe quelle société d'assurance, de mutuelle ou d'institution de prévoyance. Après avoir saisi la Cour de Justice de Luxembourg puis la Commission Européenne de Strasbourg les lois de transposition ont été votées en 1994 et en 2001 à l'Assemblée Nationale mais les pouvoirs publics se sont bien gardés d'en expliquer au bon peuple la portée exacte et une presse plus ou moins complice a gardé un silence prolongé pour ne pas déplaire à certains groupes de pression politiques ou syndicaux cherchant à protéger les privilèges et les prébendes attachés au monopole.
Finalement, la population mieux informée finira par s'affranchir du monopole protégeant le régime obligatoire de l'Assurance-maladie abrogé par la loi n° 2001-6240 du 17 juillet 2001, portant Diverses Dispositions d'Ordre Social, Educatif et Culturel (DDOSEC – J.O. du 18 juillet 2001, texte validé par le Conseil Constitutionnel (décision n°2001-450 du 11 juillet 2001-J.O. du 18 juillet 2001).
Déjà, les citoyens allemands ont obtenu le droit de choisir leur caisse d'assurance maladie. Quand les assurés français pourront-ils user de la même faculté ?
Troisième option : Suppression de la convention unique, élaboration de contrats individuels ou d'accords catégoriels « de branche »
Il n'est plus possible en 2004 de rassembler dans une convention unique, l'ensemble des activités médicales qui ne peuvent plus être confinées dans un moule uniforme, global, rigide, et inextensible comme elles le furent depuis 1960 jusqu'au 12 mars 1997, date à laquelle il fut brisé par la seule signature de l'UCCSF apposée au bas de la première convention de spécialistes. Si les généralistes ont obtenu ainsi leur convention spécifique, l'extrême diversité des 59 spécialités médicales constitue autant de métiers différents appelant des accords ou des contrats épousant les contours techniques et économiques de chaque typologie d'activité. Ainsi à côté des spécialités exercées en ambulatoire ou en cabinet, un certain nombre d'autres spécialités (chirurgie, anesthésie, radiologie, par exemple), sont tributaires d'un plateau technique lourd autour du quel elles sont exercées en équipe pluridisciplinaires.
Partant de ce principe, l'UCCSF a réussi à imposer en janvier 2004 les contrats de bonne pratique professionnelle (CPP dits de première génération à l'intention des chirurgiens et des anesthésistes) par adhésion individuelle à un contrat-type. Sa réussite a été immédiate en dépit d'un délai très court et d'une campagne de dénigrement de syndicats rivaux, demeurés de farouches défenseurs de la Convention unique qui leur assurait une hégémonie sur la totalité du corps professionnel.
Les 7 mesures d'accompagnement :
1°) Distinguer une fois pour toutes l'acte unique de l'acte répétitif.
Le principe conventionnel "de tarifs d'honoraires" qui avait été historiquement conçu autour du généraliste ou médecin de famille mélangeait indistinctement les actes remboursables dont les lettres-clés étaient au demeurant peu nombreuses : C, V, PC, K et Z,. quel que soit le Docteur en médecine qui les exécutait.
C'est le Collège National des Chirurgiens Français qui a réussi à introduire la distinction fondamentale entre l'acte unique comme l'acte chirurgical par exemple qui devait être affecté d'une lettre particulière KC, et l'acte répétitif habituel, qu'il s'agisse d'une consultation, d'un acte de surveillance ou d'investigation fonctionnelle. Cette notion simple avait fini par être reconnue par un jeune conseiller technique du cabinet de M. Pierre MAUROY, alors Premier Ministre. Ce conseiller technique s'appelait M. Gilles JOHANET…
Il est évident que la rémunération d'un acte unique implique une évaluation "de sa valeur d'échange" totalement différente de celle d'un acte répétitif et par conséquent une conception technique et économique sensiblement plus élaborée. Rappelons que lorsque le KC fut pollué par toute une série de techniques nouvelles, il a fallu obtenir - à grand peine - la création d'un KCC, resté malheureusement toujours virtuel...
Quoi qu'il en soit, si la rémunération à l'acte peut toujours s'appliquer à l'acte répétitif, l'acte unique peut plus aisément être inclus dans un forfait avec une clé de répartition pour honorer les membres de l'équipe qui ont participé à l'intervention. De plus, ce forfait peut couvrir une période déterminée par contrat en cas de reprise de l'acte initial.
2°) Hiérarchiser les risques
Il faut en finir avec l'hypocrisie qui consiste à opposer la maîtrise "comptable" symbolisée par le plan JUPPE à la maîtrise "médicalisée" introduite à titre d'euphémisme dans la Convention de 1993. Qu'elle soit "comptable" ou "médicalisée", il s'agit toujours bel et bien d'une "maîtrise" tout court.
Même si la "chasse au gaspi" doit être poursuivie pour préserver les moyens qui ne sont pas inépuisables, il convient d'y associer une analyse des risques, classiquement reconnus en deux grandes catégories : le petit et le gros risque.
Déjà, lors du IVème Plan, un des trois premiers Sages, M. Pierre MASSE estimait que le petit risque pouvait être intégralement supporté par tout Français moyen, alors que, selon lui, ce qu'il appelait "le gros pépin" devait être pris en charge par la collectivité (des assurés sociaux).
Cette proposition de bon sens n'a jamais pu être retenue parce que des économistes affirmaient qu'il n'était pas possible de fournir une définition claire et précise de chacun des deux risques et qu'en conséquence, il fallait tout prendre en charge.
En réalité, il est devenu possible avec les progrès de l'informatique de classer plus finement les diverses catégories de risques (léger, moyen, grave et exceptionnel) et d'en tirer des catégories tarifaires à la condition que le système retrouve ses lointaines origines mutualistes et fonctionne comme n'importe quel régime d'assurance moderne sur les statistiques de sinistralité et d'évaluation des coûts correspondants. Tel pourrait être l'esprit d'un tel contrat d'assurance conclu librement entre un individu et son assureur avec des garanties réciproques.
3°) Les contrats
Dans le prolongement du § précédent, toutes les formules de contrat entre un individu et son assureur peuvent être envisagées, depuis l'assurance "tout risque" couvrant toutes les dépenses engagées pour tous les soins nécessaires (gros et petits risques confondus) pouvant aller jusqu'au principe du "bonus-malus" en usage dans les contrats d'assurance automobile.
Il peut exister des formules intermédiaires de couverture partielle avec un ticket modérateur ou une franchise à débattre.
Cette formule est toujours vivement combattue par ceux qui défendent le principe collectif de solidarité pour qu' une population soit garantie dans sa totalité quels que soient les capacités financières de ses membres. Elle a par contre, l'avantage de placer chaque assuré devant ses responsabilités pour pouvoir continuer à choisir librement sa couverture personnelle.
Le débat reste ouvert sur le choix de société qu'il sous-tend. Dans le cas où c'est le retour au principe de l'assurance individuelle qui est retenu, le recours à la CMU pour la frange de la population qui n'est pas en mesure de subvenir seule à ses besoins, doit pouvoir pallier cette carence à la charge de la collectivité dans des conditions à débattre.
Propositions applicables aux trois options
4°) la place de l'hôpital
Quelle que soit l'option retenue, il est indispensable de réunifier l'ensemble des formes d'exercice médical artificiellement séparées depuis la Réforme Debré en grande partie depuis la généralisation du plein-temps qu'elle a entraîné.
Toutes les réformes concernant l'hôpital et la médecine de ville doivent être menées simultanément avec des représentants des deux formes d'exercice.
C'est en grande partie l'absence de concertation entre ces deux modes d'exercice qui a conduit à une double crise qui ne pourra être résolue qu'en les associant étroitement.
5°) le mode de tarification
Après avoir évoqué plus haut les différentes modalités de rémunération pour le médecin (à l'acte, au forfait, à la capitation, à la vacation, au salaire mensuel), il faut rappeler les hésitations des pouvoirs publics pour le remplacement de la dotation globale généralisée dans les hôpitaux depuis 1985.
Après avoir amorcé l'étude de la tarification par pathologie pour laquelle l'UCCSF s'était prononcée favorablement, suivant le modèle en vigueur depuis 1987 au Centre Cardio-thoracique de MONACO, le Ministre MATTEI a décidé d'engager une réforme sur la base de la tarification à l'activité (T2A).
Pour éviter toute comparaison, la formule retenue favorise l'hospitalisation publique en lui accordant un délai de "montée en charge" sur plusieurs années alors que l'hospitalisation privée n'a disposé que de quelques mois. De plus, l'inclusion des honoraires du secteur libéral revendiqué par les cliniques dans les calculs a été jugée irréaliste. Elle aurait pourtant apporté la preuve irréfutable que le secteur privé est bien moins onéreux (entre 35 et 65%) que le secteur hospitalier public à service égal rendu. C'est pourquoi la T2A n'est acceptable que si elle est réellement comparative, immédiate et simultanée dans les deux secteurs.
Le successeur du Pr DOUSTE-BLAZY ne s'est pas encore prononcé sur l'avenir de cette formule.
6°) la direction médicale des Hôpitaux
Avec la Réforme des services extérieurs du ministère de la Santé qui avait, en 1961, supprimé le pouvoir de décision des médecins directeurs de la Santé, la dé-médicalisation s'est poursuivie à l'hôpital et la loi de 1984 a investi le directeur non médecin d'un pouvoir hiérarchique sur l'ensemble des personnels.
Il est utile de rappeler que les hôpitaux sont avant tout destinés à soigner les malades et non à assurer des carrières aux médecins et aux gestionnaires.
Pour l'UCCSF, la Direction d'un Hôpital doit redevenir médicale assistée de gestionnaires comme dans les hôpitaux militaires et les Centres de lutte contre le cancer dont le fonctionnement ne donne lieu à aucune critique.
7°) Les Groupements de coopération sanitaire.
Le rapprochement des deux secteurs d'hospitalisation amorcé par les Ordonnances JUPPE d'avril 1996 et simplifié par l'Ordonnance du 6 septembre 2003 a débuté. Il donne au Directeur d'ARH des pouvoirs et des moyens accrus. Cette restructuration de l'ensemble du système hospitalier public et privé s'effectue déjà à l'échelon de chaque Région, au cas par cas en fonction des possibilités locales de transferts et de regroupement. Les organisations professionnelles devront veiller à assurer les meilleures conditions techniques, économiques et sociales de chacune de ces opérations qui devront faire l'objet de larges concertations entre toutes les catégories de personnel impliquées.
CONCLUSION
Quelle que soit l'option choisie, il faudra redéfinir complètement un système d'Assurance-maladie débarrassé des chimères romantiques d'un collectivisme idéalisé et généreux inspiré par les philosophes des Lumières et les sociologues qui l'ont conçu à leur suite.
Sans renier les valeurs humanistes qui ont traversé les siècles et préservé la compassion envers le prochain, le respect de la vie à tous les stades, et le sentiment de charité qui doit animer toutes les professions de santé, le prochain système médico-social sera centré sur l'individu et sa famille convenablement informés, bénéficiant de techniques validées. Sera-t-il entièrement libre de ses choix thérapeutiques et de sa couverture sociale de base et complémentaire ?
Au siècle de l'ordinateur, l'Etat sera-t-il capable d'apporter à tous les stades de la chaîne de soins la garantie du respect des normes de qualité et de sécurité exigées par une population appelée à consacrer à cet objectif les moyens économiques nécessaires ?